Le Journal de Montreal - Weekend
LA GARE DALHOUSIE La nouvelle porte de l’Ouest
Il y a près de 200 ans, en 1836, la Champlain and St. Lawrence Railroad inaugurait la première ligne ferroviaire au Canada (entre Saint-Jean et La Prairie).
Onze ans plus tard, c’est au tour de Montréal de voir ses premiers rails parcourir son territoire. L’arrivée du train chez nous bouleverse nos vies. Elle stimule considérablement le développement économique, accélère l’industrialisation et facilite l’urbanisation. Elle permet également aux Québécois d’aller travailler aux États-Unis ou même de migrer plus aisément vers l’ouest du pays.
En ce temps-là, ce premier tronçon ferroviaire sur l’île de Montréal s’étendait sur 13 km, il permettait des déplacements de Montréal à Lachine en à peu près 20 minutes. Les trains voyageaient à 40 km/h, ce qui devait être drôlement impressionnant. N’oublions pas qu’à l’époque, les déplacements en ville étaient lents.
Rapidement, les kilomètres de rails vont se multiplier. Ce réseau sera intégré à celui de la mégacompagnie du Grand Tronc. Montréal sera bientôt reliée à d’autres grandes villes canadiennes, comme Toronto, mais aussi à des métropoles américaines, telles que New York ou Chicago.
Montréal se positionne au coeur d’un carrefour nord-américain de transport et devient l’une des plus importantes métropoles commerciales du continent.
C’est dans ce contexte de développement et de modernité que le Canadien Pacifique fait construire la sympathique gare Dalhousie, un joli bâtiment qu’on peut encore voir aujourd’hui sur la rue Berri dans le Vieux-Montréal.
Il faudra attendre 1884 pour que les premiers passagers entrent dans la toute nouvelle gare. Elle pique royalement la curiosité des Montréalais parce qu’elle symbolise ni plus ni moins la porte de l’Ouest. C’est le point d’embarquement pour les voyageurs vers les Prairies, les montagnes Rocheuses et peut-être vers l’océan Pacifique.
À l’étage inférieur de la gare, les passagers ont accès au quai d’embarquement. L’étage supérieur, lui, est accessible par la rue Notre-Dame.
En s’approchant des portes, on peut lire cette inscription en grosses lettres « Canadian Pacific Railway ».
De l’extérieur, les grandes fenêtres laissent percevoir de confortables salles d’attente pour les voyageurs, mais aussi des bureaux administratifs qui fourmillent d’activités. C’est de là que les employés d’un nouveau service télégraphique reçoivent et envoient des missives. Ce réseau révolutionnaire permet par exemple des communications entre l’Europe et le reste de l’Amérique à la vitesse de l’électricité, soit 280 000 milles par seconde.
LE TÉLÉGRAPHE
La première compagnie de télégraphe de la métropole, nommée Montreal Telegraph Co, est mise en service en 1847. Graduellement, d’autres entreprises essayent de prendre leur place dans cet univers des communications. En 1885, un concurrent de taille arrive en ville, le Canadien Pacifique. L’entreprise ferroviaire déploie, en même temps que ses rails dans l’ouest du pays, son réseau télégraphique.
Évidemment, parce que tout est dans tout, le Canadien Pacifique a installé les bureaux de son moderne service télégraphique au deuxième étage de la gare Dalhousie.
LA BICYCLETTE ARRIVE EN VILLE
En cette fin de siècle, on est donc capable de faire voyager des messages à une vitesse inimaginable sur des milliers de kilomètres. Cependant, une fois le message livré au point de service télégraphique, comment faiton pour que ces messages puissent se rendre rapidement entre les mains du destinataire ?
Au moment où cet enjeu se présente, une invention allemande arrive à Montréal et résout le problème : la bicyclette. Cet engin nouveau va permettre à d’habiles messagers de livrer au plus vite les précieuses missives. Pour être embauchés, ces
cyclistes doivent être à l’aise sur deux roues et bien parler autant en anglais qu’en français.
Chaque jour, devant les bureaux des services télégraphiques, ces jeunes hommes à vélo attendent de recevoir les télégrammes. Au signal du patron, ils enfourchent leur vélo et c’est le début d’une course à travers les rues encombrées d’étalages et d’obstacles urbains de toutes sortes pour livrer rapidement les messages. L’efficacité d’un bon messager à vélo peut être très payante, en tout cas plus intéressante que le salaire misérable de l’ouvrier moyen.
« D’UN OCÉAN À L’AUTRE »
Il faudra attendre le 7 novembre 1885 pour que cette devise des Pères de la Confédération se concrétise. La pose du dernier crampon de rail dans le col Eagle des Rocheuses marque l’événement historique. À ce moment-là, les rails permettent de relier le pays d’est en ouest.
Le train qui effectue la première liaison directe transcontinentale part de la gare Dalhousie de Montréal le 28 juin 1886. Les 150 voyageurs qui ont la chance de participer à cette traversée embarquent dans de magnifiques wagons du Pacific Express. Ces passagers se déplacent dans les terres de l’intérieur sur une distance de plus de 4700 km. Ils arrivent à Port Moody, en Colombie-Britannique, six jours plus tard, le 4 juillet 1886.
Durant les 12 prochaines années, la gare Dalhousie sera pour la métropole la porte d’accès aux Prairies et au Pacifique.
Victime de sa popularité, elle deviendra rapidement trop petite. L’édifice perdra sa fonction de gare pour les voyageurs quand on ouvrira en 1898 la magnifique gare-hôtel Viger.
Aujourd’hui, l’ancienne gare est le siège social et les studios de création du Cirque Éloize. Si vous passez par le Vieux-Montréal, prenez quelques minutes pour l’admirer, approchez-vous des rails, fermez les yeux et imaginez l’effervescence qui y régnait en cette fin de 19e siècle.