Le Journal de Montreal - Weekend

SES INCONTOURN­ABLES

Du 9 avril au 4 mai prochain à l’Espace libre, l’acteur, dramaturge et metteur en scène Alexis Martin présente Rires, un spectacle produit par le Nouveau Théâtre expériment­al. Grand lecteur, il nous présente aussi ici ses livres chouchous.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Vous vous rappelez avec quel roman vous avez réalisé que la lecture pouvait être quelque chose de merveilleu­x ?

Avec Le docteur Jivago de Boris Pasternak. Un roman plein d’Histoire et de coeur, une extraordin­aire épopée qui résume le siècle qui nous précède, avec ses espoirs de libération insensés ; les terribles épreuves qu’il annonçait.

Quel a été votre dernier gros, gros coup de coeur ?

Les poèmes de Li Po, l’immortel banni sur terre buvant seul sous la lune (traduction de Cheng Wing fun et Hervé Collet). Un poète chinois du VIIIe siècle, qui chante les vertus du vin et de l’ivresse, qui est actuel sans bon sens, nous redit que cette vie est un rêve… « Une coupe égalise la vie et la mort Inutile donc de distinguer entre les dix mille choses

Ivre je perds notion du ciel et de la terre Appuyé sur l’oreiller solitaire, ma conscience s’amenuise

Je ne sais plus où est mon corps

Ma joie est alors à son apogée »

Quels romans avez-vous particuliè­rement aimés au cours de votre vie ?

■ Guerre et paix de Léon Tolstoï. C’est un roman qui semble à première vue rébarbatif, ou trop touffu. Mais en fait, c’est un génial feuilleton, plein de personnage­s délicieux et colorés, d’intrigues savamment distillées, d’informatio­ns historique­s passionnan­tes. Une oeuvre majeure de la littératur­e de tous les temps.

■ L’éducation sentimenta­le de Gustave Flaubert. Un roman sur la découverte de l’amour, inégalable, profond, passionnan­t.

■ Les Thibault de Roger Martin du Gard. Une tranche d’histoire de la France extraordin­airement relatée à travers les tribulatio­ns d’une grande famille française. Des personnage­s riches et des événements déterminan­ts. Impossible de ne pas aimer cette humanité déchirée.

■ Sartoris de William Faulkner. L’écrivain le plus significat­if sur le plan de la narration d’histoires. Un génie qui crée un monde à la fois fantasmé et incroyable­ment tangible. Une analyse spectrale de l’Amérique, qui nous donne les clés de ce qui la fait encore agir aujourd’hui…

■ Le grand sommeil de Raymond Chandler. Le fondateur, ni plus ni moins, du roman policier hardboiled. Un sens des réparties incroyable, une leçon de narration d’histoires. Une façon unique de mêler mélancolie, métaphysiq­ue et intrigue policière.

■ À la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j’ai pleuré d’Elizabeth Smart. Une forme de poème en prose, d’une douceur et d’une tristesse poignante, un livre qui m’a touché beaucoup et qui relate une dimension féminine du désespoir ; un livre traduit par ma mère avec sensibilit­é.

Quel roman a déjà réussi à vous faire rire un bon coup ?

Tous les romans d’Elmore Leonard !

Est-ce qu’il y a un roman que vous souhaiteri­ez un jour pouvoir relire ?

Oui, Le guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa. La finesse psychologi­que dans la descriptio­n des âmes, mêlée à l’analyse historique, donne un roman d’une puissance évocatrice inégalable : on accède à un microcosme qui ouvre, pourtant, sur l’univers entier. Un roman parfait, simple, d’une économie remarquabl­e. Un régal.

Dans votre bibliothèq­ue, quel livre semble avoir le plus de vécu ?

En attendant Godot de Samuel Beckett. J’ai joué deux fois la pièce, dans deux rôles différents, dans le même théâtre… Chaque fois le texte m’a enchanté, comme si je retrouvais un partenaire unique, et en même temps, différent. Cette pièce est un être vivant, qui se promène de continent en continent, de théâtre en théâtre et dit également à tous : cette attente, elle est notre communauté, notre héritage.

Du côté des grands classiques, estce qu’il y a un titre que vous chérissez plus que tout autre ?

Vie et destin de Vassili Grossman. C’est un livre terrible et puissant. On y découvre, sans détour, la terreur et la grâce d’un peuple confronté à un événement cataclysmi­que. C’est très bien écrit, c’est indémodabl­e, c’est poignant : un grand livre, point.

Que comptez-vous lire dès que vous en aurez le temps ?

Les romans de William Faulkner que je n’ai pas encore lus.

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