Le Journal de Montreal - Weekend
UNEODEÀLAVIE
L’autrice islandaise Audur Ava Ólafsdóttir avait refusé tous les projets d’adaptation de ses livres avant que Léa Pool l’approche pour lui proposer de porter à l’écran son roman à succès Ör.
À la grande surprise de la réalisatrice d’origine suisse, la romancière a non seulement accepté rapidement, elle lui a donné carte blanche pour qu’elle puisse faire le film qu’elle avait en tête.
« Je lui ai dit ce que je voulais faire et elle m’a dit : “Vas-y, et n’hésite pas à me contacter si tu as des questions” », relate Léa Pool en entrevue au Journal.
Tourné en grande partie dans le village français de Cerbère, situé à la frontière de l’Espagne, le film, intitulé Hôtel Silence, raconte l’histoire de Jean (Sébastien Ricard), un Québécois en profonde dépression qui décide de partir en voyage dans un pays européen détruit par la guerre en songeant fortement à mettre fin à ses jours.
Mais sa rencontre avec ce peuple meurtri qui tente de se reconstruire après avoir vécu les horreurs de la guerre lui redonnera, contre toute attente, espoir en la vie.
« Quand j’ai expliqué à Audur Ava Ólafsdóttir ce qui m’avait interpellée dans son livre, je lui ai dit qu’il y avait beaucoup de thèmes qu’on retrouvait aussi dans mes films », indique la réalisatrice de La passion d’Augustine et de La femme de l’hôtel.
« C’est vrai que dans presque tous mes films, il y a des personnages en déséquilibre et en transition dans leur vie. J’aime les histoires qui se déroulent dans des hôtels et des gares parce qu’on y retrouve des personnages en transition et en crise et qui sont obligés de bouger dans leur vie. »
UNE LUEUR D’ESPOIR
Léa Pool a acquis les droits d’adaptation de Ör il y a plus de cinq ans, bien avant que des guerres éclatent en Ukraine et à Gaza. Comme l’a fait Audur Ava Ólafsdóttir dans son roman, la réalisatrice de 73 ans a choisi de situer l’action de son film dans un pays jamais nommé.
« Des guerres, il y en a eu avant, il y en a maintenant et il y en aura après », rappelle Léa Pool.
« Dater [le récit] et nommer un pays en particulier n’aurait servi strictement à rien par rapport à la proposition du film qui porte sur l’après-guerre et sur la reconstruction des êtres humains [qui ont vécu les traumatismes de ce conflit].
« C’est donc valable pour n’importe quelle guerre. Et puis le focus n’est pas sur la guerre. Il est sur la reconstruction après une guerre. Je n’avais vraiment pas envie de faire un film sur la violence. On n’en peut plus, de la violence. On est inondés d’images de violence tous les jours.
« Hôtel Silence est une fable qui, j’espère, ramènera le spectateur à notre humanité. J’ai voulu montrer la beauté des choses, malgré la souffrance, pour retrouver de l’espoir et une certaine humanité. »
Sébastien Ricard ne cache pas que la souffrance du personnage de Jean était parfois lourde à porter. L’acteur de 51 ans dit toutefois avoir beaucoup appris de cette première expérience de tournage avec Léa Pool.
« C’est un rôle qui est beaucoup dans l’intériorité parce que Jean parle peu et écoute beaucoup. Mais Léa veillait au grain et m’a dirigé avec une grande subtilité. C’était vraiment un bonheur de faire cela avec elle », conclut-il.
Le film Hôtel Silence est à l’affiche.