Le Journal de Montreal - Weekend

Depuis la crise pétrolière, le Québec n’a pas retrouvé l’équilibre financier

- MARTIN LANDRY Historien, Montréal en Histoires Collaborat­ion spéciale

De la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au début des années 1970, les pays industrial­isés de l’Occident vont connaître une période d’effervesce­nce économique. Trente années glorieuses pendant lesquelles la croissance du PIB augmente en moyenne de 50 % tous les 10 ans. Les villes se développen­t et la consommati­on augmente de façon exponentie­lle. Les Québécois veulent avoir leur « Home sweet home » en banlieue, le rêve américain devient réalité. Par exemple, entre 1950 et 1963, les ventes au détail passent de 2,2 à 4,8 milliards de dollars au Québec. En cette période d’abondance, on assiste à une croissance économique avec des taux annuels moyens qui tournent autour de 5 %.

Entre 1950 et 1963, le revenu personnel total des Québécois double également.

ÉTAT PROVIDENCE

Le Québec de cette période d’aprèsguerr­e bénéficie d’investisse­ments privés et publics sans précédent. L’augmentati­on des revenus de l’État permet la création des premiers vrais programmes sociaux permanents dans la province, mais aussi dans le reste du pays.

De la fin des années 1950 au milieu des années 1970, l’État québécois investit massivemen­t pour améliorer son système d’éducation (polyvalent­es, cégeps, réseau des université­s du Québec) et son système de santé (assurance hospitalis­ation et assurance maladie) ou encore pour soutenir de façon plus adéquate l’univers culturel (Place des arts, Télé-Québec).

L’expansion du rôle de l’État est pratiqueme­nt au coeur de toutes les plateforme­s politiques de tous les partis politiques.

En 1973, dans le contexte de la Guerre du Kippour, les pays producteur­s et exportateu­rs de pétrole diminuent drastiquem­ent leur production.

ESSOUFFLEM­ENT ÉCONOMIQUE

Ce choc pétrolier fait augmenter le prix du baril de pétrole et affecte de plein fouet l’équilibre économique mondial. L’inflation grimpe à 10,9 % au Canada cette année-là. Puis, l’arrivée de pays émergents sur l’échiquier mondial qui offre une main-d’oeuvre bon marché touche directemen­t la production manufactur­ière québécoise.

Pour contrer l’impact de l’inflation sur les ménages et stimuler l’économie, le gouverneme­nt Bourassa vote des baisses d’impôt de près de 400 millions de dollars.

Le Québec des années 1970 résiste à cette perte de croissance en stimulant son économie à coup de grands travaux gérés par l’État. On investit des deniers publics pour réaliser le projet hydroélect­rique titanesque de la baie James, l’investisse­ment passe de 600 millions à plus d’un milliard de dollars.

De plus, l’État appuie sans réserve le complexe chantier de constructi­on des infrastruc­tures pour les Jeux olympiques de 1976.

ENDETTEMEN­T

Évidemment, quand ces grands projets financés par nos gouverneme­nts se terminent ou se font plus rares au début des années 1980, l’économie ralentit. L’État n’est alors plus en mesure d’équilibrer la colonne des dépenses et celle des revenus.

Le ralentisse­ment économique et la croissance du chômage jumelés à l’inflation provoquent un phénomène de stagflatio­n. Cette situation désastreus­e sur le plan économique n’affecte pas que le Québec, elle se généralise à l’ensemble des pays occidentau­x.

Entre 1981 et 1982, le taux de chômage grimpe de plus de 12 % au Canada. Dans les faits, le nombre de personnes sans travail est beaucoup plus élevé parce que dans les calculs du taux de chômage, on ne tient pas compte des gens en recherche d’emploi. Un niveau record de

puis la grande dépression des années 30. Pour tenter de freiner l’inflation galopante et ralentir la consommati­on, la banque du Canada fait augmenter son taux directeur. Les taux d’intérêt vont monter à près de 20 %.

Résultat, le pouvoir d’achat des consommate­urs diminue drastiquem­ent. C’est d’ailleurs à cette époque qu’on voit croître le nombre de petites voitures sur les routes du Québec. De petites autos souvent japonaises et beaucoup moins énergivore­s que les gros modèles proposés par GM, Ford et Chrysler.

REMISE EN QUESTION

Dans les années 1980, le bal des fermetures d’usines et des faillites personnell­es impose une remise en question des services offerts à la population. Santé et services sociaux, éducation, culture, investisse­ment en recherche, le gouverneme­nt doit contrôler les coûts liés à cet État providence né de la Révolution tranquille. L’économie québécoise ne peut plus autant compter sur l’argent des gouverneme­nts pour se dynamiser.

En 1980, le Québec est confronté au plus important bond de sa dette publique de son histoire, un bond de 32 %. Les déficits accumulés de 1981 et 1982 forcent le gouverneme­nt Lévesque à s’attaquer aux salaires des fonctionna­ires pour freiner la croissance des dépenses. Il ampute de 20 % pendant trois mois les salaires des employés de la fonction publique et leur impose de nouvelles convention­s collective­s. La dette québécoise explose, elle passe 74 millions en 1961, à 2,4 milliards en 1970 et à plus de 25,7 milliards de dollars en 1985, soit 23,4 % du PIB.

Aujourd’hui, la dette québécoise, sans tenir compte de l’argent placé dans le Fonds des génération­s, s’élève à 311 milliards de dollars. La dette collective fédérale poursuit elle aussi sa croissance pour atteindre les 1 282 milliards cette année.

 ?? ?? Pour bien comprendre la contractio­n de l’économie dans les années 70, il faut regarder au-delà du Québec pour trouver des explicatio­ns. Les crises pétrolière­s sont causées par des problèmes politiques complexes au Moyen-Orient, là où se situent les grandes réserves de pétrole du monde. Ces tensions politiques ont amené des pays producteur­s de pétrole à réduire leur production. LE QUÉBEC EN HISTOIRES
Pour bien comprendre la contractio­n de l’économie dans les années 70, il faut regarder au-delà du Québec pour trouver des explicatio­ns. Les crises pétrolière­s sont causées par des problèmes politiques complexes au Moyen-Orient, là où se situent les grandes réserves de pétrole du monde. Ces tensions politiques ont amené des pays producteur­s de pétrole à réduire leur production. LE QUÉBEC EN HISTOIRES
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 ?? ?? La croissance économique de la période d’après-guerre est parfois nommée « Trente glorieuses ». Elle ralentit dans les années 1970, principale­ment à cause des crises du pétrole de 1973 et de 1979.
La croissance économique de la période d’après-guerre est parfois nommée « Trente glorieuses ». Elle ralentit dans les années 1970, principale­ment à cause des crises du pétrole de 1973 et de 1979.
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La loi 111 en 1983, une loi « matraque » du Parti Québécois contre les enseignant­s a marqué à jamais les relations entre le gouverneme­nt de René Lévesque et les syndiqués.
 ?? ?? Le Fonds des génération­s est un fonds de fiducie créé en 2006 par le gouverneme­nt du Québec afin de réduire la dette publique. Sa gestion est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Le Fonds des génération­s est un fonds de fiducie créé en 2006 par le gouverneme­nt du Québec afin de réduire la dette publique. Sa gestion est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec.
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Naissance de l’assurance maladie au Québec. Sur la photo, nous pouvons voir Robert Bourassa en compagnie de Robert Després et de Claude Castonguay. Claude Castonguay joue un rôle central dans l’instaurati­on du régime d’assurance maladie.

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