Le Journal de Montreal - Weekend
350 ans de tragédies dans le Saint-Laurent
Les courants, les glaces, les vents et les hauts-fonds du Saint-Laurent ont eu raison de plus d’un millier de navires. Voici quelques tragédies qui ont marqué l’histoire à leur manière.
Le plus ancien naufrage scientifiquement documenté est celui de l’Elizabeth and Mary en 1690. Ce navire de la flotte de William Phips s’échoue au large de Pointe-au-Père à la suite d’une mission désastreuse contre Québec. Les 2000 miliciens partis de Boston dans 32 navires pour attaquer le cap Diamant se heurtent à une opposition militaire solide.
Au retour, la barque de 8,5 m sur 2 m sombre à la suite d’une tempête avec trois autres navires de la flotte (le Mary ,le Mary Ann ,le Hanah and Mary), mais on ignore le nombre de victimes.
C’est grâce à un plongeur amateur de Baie-Trinité qu’on localise en 1994 le bateau qui repose en eaux peu profondes. Parcs Canada authentifie la découverte l’année suivante et les plongeurs professionnels en extraient pas moins de 4000 artefacts.
Il s’agit d’effets personnels, d’outils et d’armes d’une quarantaine de miliciens appartenant à la noblesse bostonienne. « Cette collection de référence variée et diversifiée livre des informations précieuses sur la vie domestique, militaire et maritime de la Nouvelle-Angleterre au XVIIe siècle, ainsi que sur ses liens avec la Nouvelle-France et l’Angleterre », peut-on lire dans le répertoire du patrimoine culturel du Québec.
L’EMPRESS OF IRELAND
Le 28 mai 1914, le paquebot océanique Empress of Ireland coule en moins de 15 minutes au large de Sainte-Luce-sur-Mer, près de Rimouski, emportant les trois quarts des passagers, soit 1012 personnes. Il s’agit, encore à ce jour, de la pire tragédie maritime survenue au Canada.
C’est à la suite d’une collision avec le charbonnier norvégien Storstad que la coque de l’Empress se fissure. La brèche de 35 m de long ne laisse aucune chance au paquebot qui gît toujours au fond du Saint-Laurent.
« Je ne saurais vous décrire l’horreur de la situation et les scènes terrifiantes auxquelles nous avons assisté », racontera un témoin mentionné dans l’Encyclopédie du Canada. Il décrit les vaines tentatives visant à secourir les victimes « dans la nuit, dans le noir, au milieu des cris, des plaintes lugubres, des
appels désespérés ».
LE PLUS POLLUANT
Même s’il ne fit pas de victimes humaines, le naufrage du pétrolier Irving Whale dans le golfe du SaintLaurent, le 7 septembre 1970, hante encore la mémoire des riverains. La fuite d’hydrocarbure et de biphényles polychlorés (BPC) dans l’écosystème marin était alors le plus important déversement de l’histoire canadienne.
Le bateau a laissé fuir à peu près 200 tonnes de mazout. La marée noire a touché 35 km de plages des îles de la Madeleine. Le nettoyage des berges s’est étiré sur plusieurs années.
Le navire a été renfloué en 1996 au coût de 42 millions $ (dont 33 M$ de fonds publics) et remis en service en 2001. Il a été rebaptisé Atlantic Sea Lion et court toujours les mers.
LES PONTS QUI TOMBENT
Bien décidées à chasser le mauvais souvenir de l’effondrement du pont de Québec survenu neuf ans plus tôt, 100 000 personnes se massent sur la rive du fleuve Saint-Laurent le 11 septembre 1916 pour assister à la levée de la travée centrale. Mais dans un fracas effrayant, la structure qui devait être fixée une fois pour toutes se tord et tombe dans le fleuve, provoquant la mort de
13 personnes.
Cette catastrophe alourdit le bilan du vieux pont, toujours en place aux côtés du pont suspendu PierreLaporte qui unit les deux rives de Québec et Lévis. Le 29 août 1907, à 17 h 37, pas moins de 79 hommes avaient péri dans un scénario similaire, quand la structure centrale s’était affaissée d’un coup. La construction qui s’était amorcée en 1900 a dû être suspendue le temps de faire la lumière sur cette tragédie.
Une commission d’enquête a déterminé que le drame a été causé par « des erreurs fondamentales dans la conception des plans ». L’ingénieur américain responsable du chantier, Theodore Cooper, a notamment changé la distance entre les piliers sans revoir ses calculs.
En 1951, Trois-Rivières connaîtra un drame à sa mesure quand le pont Maurice-Duplessis, enjambant la rivière Saint-Maurice, s’affaisse dans la rivière, plongeant quatre personnes dans les eaux glacées. Construit quatre ans plus tôt, le pont avait été mal conçu pour résister aux grands froids de l’hiver et des fissures avaient affaibli la structure métallique.