Le Journal de Montreal - Weekend

UN SIÈCLE DE REMORQUAGE DANS LE SAINT-LAURENT

Petits, puissants et habiles, les remorqueur­s sillonnent le Saint-Laurent et le Saguenay depuis 175 ans sans attirer l’attention des historiens. Un navigateur de Saint-Ignace-de-Loyola y consacre son dernier livre.

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ Journalist­e Le Journal de Montréal

« Les remorqueur­s du Saint-Laurent sont les grands oubliés de notre mémoire collective. Ils font pourtant partie de notre patrimoine, ayant d’abord servi au transport des cages de bois au 19e siècle. Encore aujourd’hui, on les voit accompagne­r les immenses laquiers vers les ports du Québec et d’Ontario », résume Louis-Vincent Barthe, auteur des Remorqueur­s du Saint-Laurent ,qui vient de paraître aux éditions GID.

C’est une histoire pleine de rebondisse­ments qu’il raconte dans cet ouvrage richement illustré de photograph­ies tirées de collection­s personnell­es d’anciens marins. Depuis une douzaine d’années, M. Barthe amasse de l’informatio­n sur l’histoire de la navigation lorsqu’il ne parcourt pas lui-même les eaux du Saint-Laurent ou de l’Atlantique.

NAUFRAGES MORTELS

Le drame a frappé par exemple au matin du 24 avril 1957 quand le remorqueur John-Pratt s’est trouvé coincé entre un quai du port de Montréal et le cargo suédois Nyland qui arrivait à trop grande vitesse pour s’amarrer convenable­ment. Au moment où le capitaine Zotique Bibeau a donné l’ordre à l’équipage de quitter le navire, il était déjà trop tard et quatre hommes – y compris le capitaine Bibeau luimême – périrent.

Heureuseme­nt, les accidents sont assez rares dans l’histoire des remorqueur­s. Outre la tragédie du John-Pratt dans la première moitié du 20e siècle seuls l’Aberdeen en 1940 et l’Eurêka en 1942 ont coulé, entraînant dans la mort 19 hommes au total.

DEVOIR DE MÉMOIRE

Encore aujourd’hui, il demeure risqué de manoeuvrer ces bateaux dans des canaux parfois étroits et aux courants pernicieux. Propulsés d’abord au charbon puis aux hydrocarbu­res, les remorqueur­s du bassin du SaintLaure­nt ont servi à la constructi­on des ponts à Montréal et à Québec et permis le dragage de voies maritimes.

Louis-Vincent Barthe a fait paraître l’an dernier L’épopée des bateaux blancs, ces vaisseaux luxueux qui transporta­ient des touristes sur le Saint-Laurent et le Saguenay pendant une bonne partie du 20e siècle. Comme pour le présent ouvrage, qui parcourt 100 ans d’histoire (1895-1995), les photos provenaien­t de collection­s d’anciens marins à la retraite qui ont partagé avec lui leurs souvenirs matériels et immatériel­s.

Mais il ne s’agit pas d’un simple collage photograph­ique. Il a fallu documenter chaque bateau afin de reconstitu­er son histoire et ses équipages. « J’ai passé beaucoup de temps à rassembler de l’informatio­n sur les remorqueur­s photograph­iés. Ce n’était pas facile, car il y a très peu de documents sur ce type de navire, à part les journaux d’époque », résume-t-il.

Les recherches bibliograp­hiques de M. Barthe ont permis de découvrir un seul ouvrage bien documenté sur ces navires, en anglais.

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PHOTO FOURNIE PAR LV BARTHE Le remorqueur John-Pratt, qu’on voit ici dans le port de Montréal dans les années 1940, connaîtra une fin tragique.
 ?? ?? L’Eurêka a été construit en 1893 en Écosse et est arrivé au Canada en 1905. Cette photo montre des avions qui ne sont pas réellement dans le ciel ; il s’agit d’un montage, mais on est à l’époque où l’aviation fascine les gens. « On veut épater la galerie… quitte à fausser la réalité », écrit l’auteur des Remorqueur­s du Saint-Laurent.
L’Eurêka a été construit en 1893 en Écosse et est arrivé au Canada en 1905. Cette photo montre des avions qui ne sont pas réellement dans le ciel ; il s’agit d’un montage, mais on est à l’époque où l’aviation fascine les gens. « On veut épater la galerie… quitte à fausser la réalité », écrit l’auteur des Remorqueur­s du Saint-Laurent.
 ?? ?? Le paquebot russe Alexander Puchkin fait son entrée au port de Montréal en septembre 1965 accompagné de quatre remorqueur­s. Le navire inaugure la liaison avec Leningrad. Coll. McAllister Towing
Le paquebot russe Alexander Puchkin fait son entrée au port de Montréal en septembre 1965 accompagné de quatre remorqueur­s. Le navire inaugure la liaison avec Leningrad. Coll. McAllister Towing
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