Le Journal de Montreal - Weekend
L’ÉCOLE DES SCIENCES DE LA GESTION DE QUÉBEC A 100 ANS
C’est sous l’impulsion de pédagogues qui croyaient à l’importance de l’enseignement de la science de la gestion qu’une première académie commerciale francophone en Amérique est créée dans la ville de Québec. Cent ans plus tard, cette Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval a diplômé plus de 50 000 personnes et a réussi à tisser son réseau d’influence partout dans le monde.
L’Université Laval est la première université francophone en Amérique. Son nom vient du premier évêque de la Nouvelle-France, Mgr François de Montmorency-Laval.
NAISSANCE DE L’INSTITUTION
Ce dernier fonde à Québec, en 1663, le premier établissement d’enseignement de la colonie, le Séminaire de Québec. L’institution avait pour objectif de former des prêtres. Après la conquête britannique, le Séminaire de Québec élargit ses programmes aux professions dites libérales.
L’urbanisation, puis l’industrialisation naissante au 19e siècle font naître le besoin d’ouvrir des maisons d’enseignement de niveau universitaire. Au milieu du siècle, la communauté anglophone dispose déjà de plusieurs établissements d’enseignement supérieur, dont McGill et Bishop’s, mais aucune institution francophone n’existe.
Pour pallier ce manque, en 1852, les administrateurs du séminaire se procurent auprès de la reine Victoria une charte universitaire et créent l’Université Laval. L’université, basée dans la ville de Québec, ouvre une succursale en 1878, à Montréal.
UNIVERSITÉ LAVAL
L’institution devient rapidement l’épicentre de l’enseignement supérieur en français en Amérique. L’Université Laval permet aux francophones d’avoir une maison d’enseignement supérieur pour former l’élite intellectuelle dans la langue de la majorité. L’université a au départ quatre grandes facultés : le droit, la médecine, les arts et la théologie.
D’autres facultés, celles de la musique, de la philosophie, des lettres, des sciences et de génie, de l’agriculture et des sciences sociales, ainsi que plusieurs écoles affiliées s’ajouteront. Ce déploiement pédagogique entre les deux guerres force l’université à sortir des murs du Vieux-Québec pour migrer là où elle a pignon sur rue aujourd’hui.
Par ces maisons affiliées, l’Université Laval étend son rayonnement à tous les paliers d’enseignement, de l’Île-du-Prince-Édouard à l’Alberta, et éduque des milliers d’élèves par année.
SCIENCES DE L’ADMINISTRATION
L’économie du Québec des années 20 continue de dépendre de l’exploitation de ses ressources naturelles par des entrepreneurs étrangers, des capitaux qui viennent principalement des Américains. La politique libérale du gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau contribue à maintenir le Québec dans un rôle de dépendance et les Québé
cois, dans des emplois subalternes.
Pendant longtemps, nos institutions supérieures d’enseignement ont valorisé l’enseignement du droit, de la médecine et de la théologie, mais n’avaient pas beaucoup d’appétit pour les affaires et la science de l’argent. Former des administrateurs, des banquiers ou des gestionnaires, on a longtemps laissé ça aux universités anglophones. Le clergé catholique était d’ailleurs plutôt frileux à valoriser la science de l’argent.
Mais les choses changent, entre autres, grâce aux Frères des Écoles chrétiennes, qui vont créer, en 1924, l’École supérieure de commerce de Québec sur la rue Cook, dans le Vieux-Québec. Elle deviendra, au fil du temps, l’une des grandes écoles de commerce au Canada.
Le frère Palasis Prince est considéré comme l’enseignant fondateur de cette faculté novatrice (un nom quand même surprenant). Toutefois, en 1924, l’école, ne comptant que trois étudiants, n’a rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui.
En 1937, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, l’Université Laval accorde le titre de bachelier en sciences commerciales aux finissants du programme de l’École supérieure de commerce de Québec. L’institution pose les premiers jalons universitaires pour favoriser la prise en charge des francophones de leur économie.
L’école de commerce gagne évidemment en popularité, ce qui force la construction d’un nouveau pavillon dès 1950, puis le déménagement dans Cité-Universitaire deux ans plus tard. Quand on cherchera un nom pour le pavillon, celui du professeur émérite et fondateur Palasis Prince va s’imposer. Ce pavillon de la faculté de commerce est le deuxième bâtiment érigé sur le campus principal de l’Université Laval.
En 1965, en pleine Révolution tranquille, la corporation qui gère l’École supérieure de commerce de Québec confie officiellement ses biens et la gestion de l’école à l’Université Laval. Ce transfert de gestion s’inscrit dans la vague de déconfessionnalisation du Québec des années 60.
L’école porte alors le nom de « Faculté de l’administration », puis, en 1968, celui de « Faculté des sciences de l’administration ». Cette même année, l’institution crée la prestigieuse maîtrise (MBA) en administration des affaires ainsi que son programme de doctorat en sciences de l’administration.
La faculté rayonne ici et à l’international.
En 1996, elle devient le premier établissement francophone à obtenir l’accréditation internationale The Association to Advance Collegiate Schools of Business (AACSB). La popularité du programme oblige les administrateurs à investir plusieurs millions pour agrandir les installations de la faculté.
Plus de 4000 étudiants s’entassent déjà dans un pavillon pensé au départ pour accueillir 600 personnes. Bref, la faculté innove, multiplie les reconnaissances et a bien raison de souligner son 100e anniversaire de fondation avec fierté.