Le Journal de Montreal - Weekend

STRATÉGIES POUR DÉJOUER LA DOULEUR

La douleur n’est pas qu’une sensation déplaisant­e : c’est une émotion envahissan­te associée à nos défenses immunitair­es qui mérite d’être mieux comprise.

- DR FRANÇOIS RICHER

En plus d’un signal sensoriel qui nous prévient des dommages à notre corps, la douleur est une émotion primaire.

Comme plusieurs émotions, la douleur mobilise notre métabolism­e, nos actions (cris, réflexes) et nos pensées. De plus, comme d’autres émotions, dont la peur, la solitude ou la honte, la douleur déclenche souvent un sentiment de souffrance, une détresse ou douleur psychologi­que. Elle a aussi en commun avec d’autres émotions d’être contagieus­e ; plusieurs sont stressés par la douleur des autres et certains ressentent même une empathie à la douleur localisée dans la même portion du corps que la victime.

La douleur a un accès privilégié aux autres émotions. En déclenchan­t de la peur, la douleur nous apprend à éviter des situations à risque (ex. : marcher nu-pieds sur du gravier, toucher un fil électrique). En déclenchan­t de l’irritation (ex. : orteil écrasé par un mouvement maladroit), elle nous apprend parfois la prudence.

Comme la faim qui nous motive à combler nos besoins alimentair­es, la douleur vise à nous défendre contre l’infection et les dommages à nos cellules.

La douleur est généraleme­nt déclenchée par l’inflammati­on et fait partie de notre arsenal de défense immunitair­e.

Sous notre peau, nos neurones de douleur interagiss­ent avec nos cellules immunitair­es. Dans le cerveau aussi, la douleur sert entre autres à gérer nos défenses immunitair­es.

Par exemple, les hormones de stress déclenchée­s par la douleur régulent les réactions inflammato­ires.

UN COMPAGNON DE NOTRE MISÈRE

La douleur chronique est une source importante de stress. Elle peut induire des troubles digestifs ou métaboliqu­es.

Elle peut aussi produire des troubles de sommeil, des troubles d’attention et de mémoire, des pensées intrusives ou des idées suicidaire­s. À la longue, la souffrance sape notre humeur et notre motivation à améliorer notre sort. Elle nous rend anxieux ou déprimés, en particulie­r quand nous dramatison­s ses impacts.

La douleur chronique entraîne aussi des pertes fonctionne­lles qui peuvent causer un effet boule de neige. Elle peut nous crisper au point de générer d’autres douleurs (ex. : les compensati­ons de posture causées par les douleurs au dos). De plus, elle nous fait souvent éviter certains mouvements ou certains efforts, ce qui nous rend plus sensibles et moins forts.

En plus, contrairem­ent au stress ponctuel et modéré, le stress chronique augmente souvent l’inflammati­on et la sensibilit­é à la douleur, ce qui produit une boucle de rétroactio­n inflammati­on-douleur-stress-inflammati­on qui aggrave notre état.

RÉDUCTION DU STRESS

Les stratégies ne manquent pas pour combattre la douleur chronique et la détresse. Or, certaines habitudes comportent plusieurs effets néfastes.

La consommati­on d’alcool, d’opioïdes ou d’autres substances addictives crée souvent plus de problèmes qu’elle n’en résout. Certaines personnes deviennent plus passives et se réfugient dans la consommati­on de séries télé ou dans un état de rêverie. D’autres vont même tomber dans un état de conscience dissociati­f, un détachemen­t de soi ou de l’environnem­ent, une réaction d’autodéfens­e qui vise à isoler notre conscience de nos souffrance­s.

Ces états dissociati­fs réduisent temporaire­ment le stress et la douleur, mais généraleme­nt, ils bloquent aussi les émotions positives et les élans sociaux.

DES STRATÉGIES

À court terme, la distractio­n est souvent efficace. La distractio­n cognitive, comme les jeux et projets de difficulté modérée, ou la distractio­n physique, comme les massages, le froid ou la chaleur.

Plusieurs activités, dont l’exercice, la danse et le yoga, ont des effets antidouleu­r ou anti-inflammato­ires car elles activent nos systèmes cérébraux d’endorphine­s et d’endocannab­inoïdes.

C’est aussi le cas des activités déclenchan­t des émotions positives, comme l’humour, les interactio­ns sociales, les actions altruistes, les arts ou l’immersion virtuelle.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada