Le Journal de Montreal - Weekend

LES DÉFIS DE LA CONCILIATI­ON ENTRE HUMOUR ET FAMILLE

- RAPHAËL GENDRON-MARTIN

Elles ont 34 et 31 ans, sont devenues mères à la fin 2021 et lancent chacune leur deuxième spectacle d’humour ce printemps. Même si leurs personnali­tés sont parfois aux antipodes, Katherine Levac et Rosalie Vaillancou­rt sont les meilleures amies du monde. Le Journal a rencontré les deux comiques qui vivent pleinement les défis de la conciliati­on travail-famille.

Katherine et Rosalie ne cessent de se taquiner. Le jour du shooting photo pour Le Journal, les humoristes regardaien­t les images et ne cessaient de commenter ce qu’elles voyaient.

« Je n’aime pas mon sourire sur celle-là », dit Katherine.

« Tu as donc ben des grosses veines là-dessus ! » lance Rosalie.

Les deux sont parmi les humoristes les plus aimés de leur génération. Tout leur sourit depuis leur sortie de l’École nationale de l’humour (2013 pour Katherine, et 2015 pour Rosalie).

Ce printemps, elles lancent leur deuxième spectacle solo, à quelques semaines d’intervalle. Il y a deux ans, elles accouchaie­nt toutes les deux à un peu plus d’un mois d’écart !

« C’était un pacte de grossesse qu’on s’est fait ! dit spontanéme­nt Rosalie en entrevue aux côtés de son amie. On était dans un char et on s’est dit : on tombe enceintes, on tombe enceintes ! Je pense que Kath était tombée enceinte trois mois plus tard. Quand j’ai su qu’elle était enceinte, j’étais comme : ah non, la pute, elle ne m’a pas attendue ! J’étais tellement fru ! [rires].»

« Mais là, tu es aussi tombée enceinte un mois après moi ! » rétorque Katherine.

CONCILIATI­ON TRAVAIL-FAMILLE

Aujourd’hui, leurs enfants ont un peu plus de deux ans et les deux humoristes vivent pleinement, et assez difficilem­ent, la conciliati­on travail-famille.

« Je me suis rendu compte récemment qu’on est les deux premières au Québec à faire ça [de la tournée avec de très jeunes enfants], dit Rosalie. On a commencé à écrire nos nouveaux spectacles et nos bébés avaient environ dix mois. »

Cette nouvelle réalité vient avec son lot de défis et d’organisati­on, reconnaiss­ent-elles. Rosalie a d’abord eu plusieurs discussion­s avec son copain, Olivier, pour savoir si elle pouvait repartir en tournée.

« On était supposés faire un autre bébé en septembre dernier. En même temps, j’avais commencé à écrire du matériel pour un spectacle que je pensais vendre à Netflix. Mais j’avais tellement de fun à le faire et j’étais rendue à 1 h 25. J’ai dit à mon chum que j’avais le goût de partir en tournée. Il m’a dit : vas-y, on peut avoir un autre enfant dans trois ans, ce n’est pas grave, ça ne me dérange pas de rester à la maison. » Partageant sa vie avec la réalisatri­ce Chloé Robichaud, Katherine Levac mentionne que la conciliati­on travail-famille, « c’est l’hostie de nerf de la guerre ! ».

« Je ne veux pas être négative à propos de ça. Mais je pense que nous n’avons pas des jobs, ni pour moi ni pour Chloé, qui sont faites pour ça. En ce moment, Chloé est en tournage. Moi, je suis en show ce soir. Mais en même temps, il y a tellement de familles qui vivent ça. Combien de gens travaillen­t la nuit à l’hôpital ? Ou d’autres personnes qui sont camionneur­s ou qui travaillen­t dans des commerces ? La vie avec des enfants, on dirait que la société n’est pas toujours organisée [pour ça]… »

« En fait, elle est organisée pour que la femme reste à la maison, ajoute Rosalie. Nous, on avait regardé pour une nounou et c’était plus cher que ce que mon chum gagnait par année ! »

Parce qu’elles ne voulaient pas être continuell­ement sur la route, Katherine et Rosalie ont dû imposer certaines limites de calendrier à leurs équipes.

« Moi, j’ai trois shows par semaine, dit Rosalie. Sauf si on est à Gaspé. Dans ce temps-là, j’en fais quatre. Mais c’est important pour moi d’avoir un maximum de trois shows et si on s’en va loin, il faut que la chambre [d’hôtel] soit assez bien pour que j’emmène ma famille. »

PAS PAREIL POUR LES PAPAS HUMORISTES

Katherine Levac mentionne que chaque jour, elle se fait challenger dans ses conviction­s.

« C’est difficile. Par exemple, si la salle est pleine à Drummondvi­lle, la madame de la salle me dit : donc, on ouvre la supplément­aire ? Les [autres humoristes] vont généraleme­nt tous dire oui. Mais moi, je fais non !»

Dans son nouveau spectacle, L’homme de ma vie, Katherine Levac fait référence à ses collègues humoristes masculins qui ont eu des enfants et pour qui la réalité est complèteme­nt différente.

« À un moment donné dans le spectacle, je dis que je trouve ça vraiment intense, des enfants, parce que contrairem­ent à mes collègues masculins, il faut tout le temps que je m’en occupe, de ces enfants-là. Et je ne l’avais pas vu venir. Je pensais que ça allait être bien plus relax que ça.»

« C’est vrai que quand tu rentres dans une loge et qu’un humoriste dit que sa blonde vient d’accoucher, oui, il a l’air fatigué, remarque Rosalie… Mais moi, je n’avais pas l’air fatiguée, j’étais couchée à deux heures de l’après-midi à ne pas savoir si on était le jour ou la nuit ! »

« Des fois, c’est difficile, mentionne Katherine. Si je suis au Bordel [comédie club] et que je vois sur place Louis-José [Houde] ou Adib [Alkhalidey]. Leur enfant a comme un mois et ils sont là. Moi, quand je venais d’accoucher de jumeaux, après un mois, je n’étais crissement pas au Bordel ! Ce n’est vraiment pas de leur faute, c’est juste que biologique­ment, c’est comme ça. »

KATHERINE LEVAC ET ROSALIE VAILLANCOU­RT

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