L’HEUREUX DÉFI DE KEVIN LAMBERT

Alors qu’il présente son plus récent roman Que notre joie

demeure comme un hommage à Marie-Claire Blais, Kevin Lambert ne pouvait espérer meilleur défi que le roman Un

coeur habité de mille voix de l’écrivaine québécoise pour sa première adaptation théâtrale. La pièce est à l’affiche de l’Espace Go jusqu’au 28 avril.

Pour Kevin Lambert, porter à la scène les mots de cette grande écrivaine québécoise était une nécessité, une urgence.

« Ce roman-là a été écrit un peu en réaction à la montée de l’extrême droite aux États-Unis. Marie-Claire Blais vivait alors en Floride. Elle l’a écrit en étant très inquiète du recul des droits des femmes et des personnes LGBTQ, et particulièrement de celui des droits des trans aux États-Unis. C’est un roman qui porte sur les luttes féministes, queers et trans, avec un personnage trans au centre de l’histoire. Pour moi, c’était important de faire entendre ça pour montrer ces vécus-là […] Même au Québec, il y a une sorte de marée d’intolérances qui s’en vient. Dans ce contexte-là, le spectacle prend un sens vraiment important. »

L’auteur partage d’ailleurs l’inquiétude qu’avait l’écrivaine quant à cette montée de l’extrême droite.

« On ne peut pas nier qu’il y a cette montée-là en ce moment, qui est une forme de retour en arrière, de recul sur plein d’acquis qui caractérisaient notre société. Ce que MarieClaire Blais m’apprend, c’est une forme d’optimisme nuancé, de dire qu’il y a toujours une force de vie plus grande qui va l’emporter. Pour ça, on a besoin de résister, de faire oeuvre commune. » Pour sa première adaptation scénique, Kevin Lambert avait tout un mandat en s’attaquant à un texte de Marie-Claire Blais.

« C’était un défi de taille, mais le plaisir était aussi grand. Il y a une complexité littéraire dans l’oeuvre de Marie-Claire Blais. Ce qui est beau, c’est que sur scène, cette complexité-là ajoute toutes sortes de richesses dans le jeu, dans les rapports entre les personnages. »

UN DÉFI DE TAILLE

Un coeur habité de mille voix raconte l’histoire de René, 93 ans, qui vit dans son appartement et reçoit les soins de son infirmière, Olga, et de son amie Louise qui vient souvent le voir.

Cette dernière le prépare en vue de retrouvailles le soir même avec la bande d’amis qu’ils formaient jadis et lui raconte les vieux souvenirs, l’histoire de chacun des amis du groupe qui a vécu un deuil lorsqu’une des filles est décédée de manière tragique. Jean Marchand campe le personnage de René dans une distribution qui comprend notamment Sylvie Léonard, Christiane Pasquier et Louise Laprade.

Bien qu’il avait lu Un coeur habité de mille voix à sa sortie en 2021, sa perception de l’oeuvre a changé depuis le décès de l’écrivaine, l’année de la parution du livre.

« C’est un roman sur le deuil d’une des filles de la bande, mais c’est aussi René qui contemple la mort qui s’en vient. Tous ces éléments prennent un très grand relief quand on sait que Marie-Claire Blais l’a elle-même écrit à la fin de sa vie. […] Les morts continuent de parler aux vivants. »

La pièce Un coeur habité de mille voix est présentée à l’Espace Go jusqu’au 28 avril.