Le Journal de Montreal - Weekend
LE SANG A COULÉ À POINTE-AUXTREMBLES EN 1690
Le 2 juillet 1690, une centaine d’Iroquois postés à la pointe est de l’île de Montréal se font assaillir par 25 colons français de Pointe-aux-Trembles, faisant couler le sang dans la rivière des Prairies.
« C’est un épisode majeur de l’histoire montréalaise qui a décimé près de la moitié des hommes adultes du village », relate l’historien Pierre Desjardins, coauteur du Dictionnaire historique de Pointeaux-Trembles, lancé le 10 avril à l’occasion du 350e anniversaire de l’arrondissement. Page peu connue de notre histoire, la bataille de la coulée Grou, du nom du ruisseau qui se jette encore de nos jours vers la rivière des Prairies, a opposé un groupe d’Iroquois soutenus par les Britanniques qui désiraient conquérir le Saint-Laurent, autoroute fluviale stratégique du commerce de la fourrure, à son apogée. Survenu un an après le fameux massacre de Lachine, qui a fait près de 100 victimes à l’autre bout de l’île le 5 août 1689, le drame s’inscrit dans les guerres franco-iroquoises qui prendront fin à la signature de la Grande Paix de Montréal en 1701.
AUX ARMES !
Ancien professeur d’histoire au secondaire, Pierre Desjardins rappelle au Journal que c’est Jean-Baptiste Legardeur de Repentigny qui avertit la colonie française de Pointe-aux-Trembles, alors constituée de quelques maisons autour de l’église, d’un déploiement inhabituel d’Iroquois au bord de la rivière.
« Rapidement, 25 hommes se réunissent chez l’habitant Jean Grou, et décident de les attaquer afin de profiter de l’effet de surprise », relate-t-il.
Ancien lieutenant français, le sieur de Colombet prend le commandement du groupe de colons armés de haches et de fusils de chasse. Le 2 juillet au matin, ils attaquent les Iroquois, dont certains sont à bord de leurs canots.
Mais les Iroquois sont plus nombreux que prévu et le sang coule de part et d’autre.
Dans son célèbre ouvrage Notre maître le passé, paru il y a 100 ans cette année, Lionel Groulx reconstitue la scène : « Alors un combat furieux s’engage, corps à corps, sous le bois, le long de la coulée. Colombet essaie, mais en vain, de rallier ses hommes vers le fort. Les Français se battent en héros. Trente ennemis sont abattus ; le reste prend la fuite. Les nôtres perdent quinze hommes, dont cinq prisonniers, parmi lesquels Jean Grou. »
IROQUOIS VICTORIEUX
Au terme des combats d’une extrême violence, les Autochtones sortent victorieux de l’affrontement. Ils martyriseront par la suite cinq survivants, dont Jean Grou lui-même, qui sera brûlé vif.
On récupérera les corps des victimes pour les inhumer au cimetière de la paroisse, qui sera reconstruite plus tard avec des fortifications capables de résister aux nouvelles attaques… qui n’auront pas lieu.
Le seul colon qui survivra à la capture iroquoise, Pierre Payet dit Saint-Amour, relâché après les combats, vivra en paix avec sa famille. Son nom de famille se modifiera avec le temps. L’astronaute Julie Payette est une des descendantes de sa lignée.