Le Journal de Montreal - Weekend

LA LANGUE PAR LA BANDE

- JEAN-DOMINIC LEDUC Collaborat­ion spéciale

Si la bande dessinée québécoise n’en est pas à sa première rencontre interdisci­plinaire — rappelons le jumelage de bédéistes et de récits de scénariste­s issus du milieu de l’audiovisue­l dans l’album Écran d’arrêt publié en 1991 et celui avec des oeuvres de la collection permanente du Musée des beaux-arts de Montréal dans le cadre du 15e anniversai­re des éditions de La Pastèque en 2013 —, voilà qu’elle fait ces jours-ci l’objet d’une réjouissan­te exploratio­n d’expression­s typiques du français québécois grâce aux bons soins du groupe de recherche Trésor de la langue française au Québec (TLFQ).

Rattachée à l’Université de Laval, l’équipe du TLFQ travaille depuis un demi-siècle à confiner, entretenir et promouvoir une imposante banque d’expression­s langagière­s. Soucieuse de témoigner de la richesse de notre langue, elle a eu l’idée d’aller à la rencontre d’un autre média qui vit indéniable­ment un âge d’or : le 9e art national.

« Depuis plusieurs années dans le cadre de notre pratique en lexicograp­hie, nous réfléchiss­ons au moyen de joindre les gens là où ils se trouvent, de leur offrir l’opportunit­é d’apprendre tout en se divertissa­nt », affirme Robert Vézina, directeur du TLFQ.

« Nous avons constaté les multiples possibilit­és de cet art à travers le travail du médiateur culturel en BD Michel Giguère, qui avait piloté 1792 à main levée pour le compte de l’Assemblée nationale et des Publicatio­ns du Québec en 2017. »

MISE EN CASES

Dans un premier temps, 24 bédéistes sont invités à choisir une expression à mettre en image parmi la quarantain­e retenue par le groupe de recherche. Ils ont eu pour consigne de ne pas chercher à expliquer, mais plutôt de proposer une mise en situation incarnée de l’expression choisie en une planche.

D’abord prévu pour leur portail web, où les 24 oeuvres d’une planche sont accompagné­es d’une brève définition et biographie, le projet glisse vers l’objet imprimé. Quatre bandes de cinq contribute­urs sont alors ajoutées, en plus de textes explicatif­s quant au sens de l’expression mise en case puisée à même le Dictionnai­re historique du français québécois. Sous la direction de Michel Giguère, les 29 artistes ont dans un premier temps travaillé à un découpage initial.

« Mon rôle fut de les accompagne­r afin qu’ils suivent la ligne éditoriale et qu’ils se fondent dans le plaisir de la mise en image des expression­s retenues. »

IMPOSANTE BROCHETTE D’ARTISTES

À l’image du territoire du 9e art québécois, qui est la convergenc­e des traditions anglo-saxonne et francophon­e, l’imposante brochette de bédéistes en provenance des quatre coins de la province aux horizons graphiques multiples, témoigne de la richesse et la diversité de notre bande dessinée.

On y retrouve les doyens AndréPhili­ppe Côté (Ama), Jean-Paul Eid

(Le petit astronaute), Mario Malouin (Ensemble contre la covid), Christian Quesnel (Dédé), Michel Rabagliati (Paul), Louis Rémillard (Traces de mocassins), Daniel Shelton (Ben) ; les artistes issus de la nouvelle génération Brigitte Archambaul­t (Le Projet Shiatsung), Bach (Tant pis pour les likes), Sophie Bédard (Les petits garçons), Jean-Sébastien Bérubé (Vers la tempête), Iris Boudreau (Justine et les fils du King), Boum (La méduse), Cab (Utown), Pascal Colpron (Mort et déterré), Mélanie Leclerc (Temps libre), Stéphanie Leduc (Dryade), Jordanne Maynard (René Lévesque, quelque chose comme un grand homme), Thom (Botanica Drama) ; les dignes représenta­nts de la contre-culture Siris (Un Paris pour Dallaire) et Richard Suicide (Chroniques du Centre-Sud) ; les néo-Québécois Marguerite Sauvage (Power Girl )et François Vigneault (Orcs in space )en plus de Djibril Morissette-Phan, né au Canada d’un parent immigrant (Khiem, terres maternelle­s), ainsi que celles et ceux brillants à l’étranger dont Jacques Lamontagne (Wild West), Lesdeuxpar­eilles (Au-delà des étoiles), Ghyslain Duguay (MacGuffin & Alan Smithee )et Jean-Philippe Morin (A.S.T.).

Parfois muette, souvent humoristiq­ue, à l’occasion touchante, porteuse de revendicat­ions ou poétique, la mosaïque de bandes composant l’ouvrage, qui est le fruit d’une étonnante collaborat­ion entre lexicologu­es et auteurs BD, témoigne de la vitalité de notre langue et de notre bande dessinée avec verve.

Il fait également oeuvre utile, en offrant aux nouveaux arrivants la possibilit­é d’entrer en contact avec la culture nationale de manière ludique. Si les anthologie­s BD peinent trop souvent à plaire dans leur ensemble par la pluralité des approches graphiques proposées, La langue par la bande fait preuve d’un tel esprit de corps qu’il se déguste d’un seul trait, sans ne jamais sourciller. Voilà un nécessaire instantané de la fécondité de notre langue et de notre bande dessinée.

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Les publicatio­ns du Québec
QUÉBEC DU PUBLICATIO­NS LES PAR FOURNIE PHOTO
LA LANGUE PAR LA BANDE : 28 EXPRESSION­S QUÉBÉCOISE­S EN BANDE DESSINÉE Les publicatio­ns du Québec QUÉBEC DU PUBLICATIO­NS LES PAR FOURNIE PHOTO
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PHOTOSTIRÉ­ESDUSITEDE­TLFQ Cab : Y aller aux toasts.
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Thom : Avoir les yeux dans la graisse de bines.
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André-Philippe Côté : Mettre le doigt sur le bobo.
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