Le Journal de Montreal - Weekend
JULES VERNE a écrit un roman sur les Patriotes
Connu pour avoir emmené ses lecteurs en ballon autour du monde avec Phileas Fogg et sous les mers en sous-marin avec le capitaine Nemo, l’écrivain français Jules Verne (1828-1905) a aussi écrit un roman de 400 pages consacré au mouvement des Patriotes.
Pas de technologies spectaculaires dans cette histoire d’un héros romantique vaguement inspiré de Chevalier de Lorimier qui cache son patronyme pour épargner ses proches de la cruauté des Britanniques durant la Rébellion de 1837.
Au cours du récit, Jean « SansNom » est capturé et condamné à l’exécution, mais c’est son frère qui meurt au peloton à la suite d’une substitution de costumes.
« Ce roman est beaucoup moins connu que les grandes oeuvres de Jules Verne et il ne sera pas réédité de son vivant, mais Famille-SansNom est un livre important dans sa production », commente au Journal Maxime Prévost, professeur de littérature à l’Université d’Ottawa.
Avec son collègue Guillaume Pinson, de l’Université Laval, il travaille depuis plusieurs années à l’édition critique des trois romans « canadiens » de Jules Verne. En plus de celui-ci, Le pays des fourrures a pour thème le commerce des peaux en Nouvelle-France et Le volcan d’or, la recherche de fortune à la fin du 19e siècle. Les deux premiers ont été publiés et le troisième est prévu pour l’automne 2024.
DE L’UTOPIE À L’ANTICOLONIALISME
M. Prévost mentionne que le roman sur les Patriotes s’est construit sur une utopie de jeunesse.
« Il croyait que le Canada pourrait être une terre d’harmonie où les vieilles querelles entre la France et l’Angleterre trouveraient un terme », explique ce dix-huitiémiste qui a délaissé
Victor Hugo en plongeant dans les 62 romans et 18 nouvelles des Voyages extraordinaires. Une oeuvre comparable à ses yeux à la Comédie humaine de Balzac.
On a dit que la fin heureuse de Famille-Sans-Nom et l’absence de suspense auquel Jules Verne avait habitué son lectorat avaient peut-être nui au succès de ce livre. Et à mesure que l’écrivain s’intéressera aux révoltes politiques, il deviendra de plus critique de l’Empire britannique et des nations conquérantes en général.
« À l’époque de Famille-Sans-Nom, il est résolument anglophile, mais il change complètement son fusil d’épaule 20 ans plus tard », commente l’expert.
Les Québécois, qu’on nomme simplement « Canadiens » à l’époque, occuperont des rôles importants dans plusieurs romans de Jules Verne.
VOYAGEUR IMMOBILE
Ned Land, par exemple, le harponnier du capitaine Nemo, est originaire de la ville de Québec.
Dans Le pays des fourrures ,les coureurs de bois sont des Canadiens. Et ce sont deux cousins de Montréal qui, dans Le volcan d’or, vont chercher fortune au Yukon.
Le plus drôle, c’est que Jules Verne n’a pas mis le pied au Québec. « Il a passé 24 heures aux chutes du Niagara durant un voyage aux États-Unis, ce qui ne l’a pas empêché de déclarer le Canada sa terre de prédilection », commente l’universitaire.
Passionné de géographie et d’histoire, Jules Verne lisait du matin au soir, remplissant des milliers de fiches qu’il utilisait pour ses écrits. La recherche pour Famille-SansNom l’amènera à fréquenter des historiens comme François-Xavier Garneau et Lauren-Olivier David.