Le vent tourne
Hier, Janette Bertrand et plusieurs femmes de premier plan sont venues appuyer le projet d’une charte de la laïcité au nom de la défense des acquis du féminisme. Il était temps.
Il était temps, car ces acquis, disentelles, risquent d’être compromis par un discours qui place la liberté religieuse au-dessus de tout. C’est évidemment le port du foulard islamique par les employées de l’État qui est ici au coeur de l’affaire.
Il faut dire que ce discours a réussi l’ahurissant tour de force d’embrigader une partie du mouvement féministe, de la gauche pseudo-progressiste et de nos intellectuels multiculturalistes.
MODERNITÉ
Je regarde les femmes autour de moi : ma blonde, les conjointes de mes chums, mes étudiantes à l’université.
QUAND ON ÉCOUTE LA FFQ, ON SE DEMANDE OÙ SONT PASSÉES LES FEMMES FORTES
Ce sont des femmes fortes, autonomes et responsables, qui se considèrent, évidemment avec raison, comme égales aux hommes.
Elles incarnent ce que le mouvement féministe voulait que les femmes deviennent, même si elles sont souvent réticentes à se dire «féministes». Elles prouvent la marche en marchant.
Ma blonde, par exemple, est furieusement agacée quand elle entend le discours de la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Que dit la FFQ? Que forcer «Fatima» à enlever son foulard pourrait l’amener à quitter son emploi et la replongerait dans la pauvreté et l’isolement social. Ce discours larmoyant et misérabiliste suppose que «Fatima» est une petite créature fragile toujours au bord de la précarité économique.
Si «Fatima» quitte son emploi parce qu’elle ne tolère pas la moindre entrave à sa liberté religieuse, ce discours refuse de la voir pour ce qu’elle est: une intransigeante qui choisit d’assumer les conséquences de son choix.
Ce discours est aux antipodes, me semble-t-il, de ce que le mouvement féministe voulait justement que les femmes soient: responsables de leurs actes. Quand on écoute la FFQ, on se demande où sont passées les femmes fortes et autonomes qui sont partout autour de moi.
CONTRADICTION
Pire, mettre au-dessus de tout le droit individuel de «Fatima» de se vêtir comme elle le veut (ou comme son entourage le lui «suggère»), c’est faire peu de cas du symbole collectif d’asservissement du genre féminin en général que le foulard représente, même si «Fatima» invoquera son «identité» individuelle.
Mais est-ce que le féminisme ne se voulait pas justement un combat pour relever la condition du genre féminin au complet? La «liberté» vestimentaire d’une femme (si elle est libre, ce qui ne sera pas toujours le cas) est donc placée avant l’affirmation de l’émancipation collective de TOUTES les femmes.
Pourtant, la FFQ n’hésitera pas à dénoncer l’hypersexualisation de l’image de la femme dans la publicité. Pourquoi ne souligne-t-elle pas que la femme sur la photo est libre de se vêtir comme elle le veut? Pourquoi l’argument de la liberté individuelle ne s’applique-t-il soudainement plus?