Les Janette se trompent
Quand ils sont tout petits, les enfants sont persuadés qu’ils deviennent eux- mêmes invisibles lorsqu’ils se mettent les mains devant les yeux.
Croire qu’on devient invisible quand on ferme les yeux — ou croire que les choses qu’on ne voit pas cessent d’exister — découle d’une faute de logique, d’un mauvais raisonnement.
Les philosophes appellent ce vice de logique un non sequitur — quand la conclusion n’a pas rapport avec ce qui précède.
Comme dire: la neige est blanche, la meringue ressemble à de la neige, donc la meringue est froide...
« PAS RAPPORT »
C’est un procédé fréquemment utilisé par les humoristes, mais on le retrouve aussi trop souvent dans le débat sur la charte des «valeurs québécoises».
Le manifeste des Janette publié hier par Mme Bertrand, et endossé par un groupe de femmes connues, et par ailleurs tout à fait respectables, succombe à mon avis à cette faute de logique.
Elles disent:«les hommes ont de tout temps et encore de nos jours utilisé la religion dans le but de dominer les femmes, de les mettre à leur place, c’està-dire en dessous d’eux.»
Cela constitue une bonne raison de rejeter les religions organisées, et même de critiquer la religion musulmane en particulier, ou de combattre l’islamisme. Et je suis entièrement d’accord avec les Janette sur ce point.
C’est leur conclusion qui pose problème.
RENDRE LES MINORITÉS INVISIBLES NE LES FERA PAS DISPARAÎTRE, SEULEMENT SOUFFRIR...
CONCLUSION DOUTEUSE
«Devant la perspective d’un retour en arrière, je sens le besoin de prendre la parole. Je suis donc (DONC?) d’accord pour qu’il y ait une Charte des valeurs québécoises (...) - et que le gouvernement légifère», écrit Mme Bertrand.
Mais cette charte des «valeurs» ne ferait rien — absolument rien — pour combattre l’islamisme qui nous inquiète tellement ces jours-ci. Ni pour «intégrer» les immigrants.
Elle ne ferait rien non plus pour «libérer» les femmes qui portent le voile de l’obligation qui leur serait faite de le porter!
Rendre les femmes voilées invisibles dans les laboratoires d’hôpitaux, les garderies, les services gouvernementaux ne les ferait pas disparaître, et ne les «li- bérerait» pas du «joug» de leur religion.
Cela ne ferait qu’ajouter une discrimination supplémentaire à leur égard, en les empêchant de travailler pour le gouvernement.
Le Québec est la seule province qui peut choisir une partie de ses immigrants. Il privilégie depuis longtemps les gens du Maghreb, parce qu’ils sont francophones — et donc, présumément, plus aptes à s’intégrer ici.
S’Y PRENDRE AUTREMENT
Et une fois qu’ils sont ici, on leur fermerait les portes, parce qu’on n’aime pas leur religion?
Intégrer les immigrants pose un défi aux sociétés d’accueil, ici comme ailleurs. C’est un problème.
Mais tenter de camoufler des minorités visibles en les privant de leurs droits d’exprimer ce qu’elles sont ne fait rien pour résoudre ce problème — et tout pour l’exacerber.
Il faut s’y prendre autrement.