« Des folles! »
Comme bien des gens, j’ai fait mon bout de chemin au sujet de la charte, acceptant le principe d’interdire le port de signes religieux par les employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants.
Mais, pour les purs et durs de la charte, les gens qui, comme moi, demeurent opposés à une interdiction mur à mur du port de signes religieux dans la fonction publique ne sont que des imbéciles, des pleutres, des mous, des inconscientes, comparativement aux «vigilantes», des idiots utiles, des larves, des ignares qui devraient s’informer sur l’islamisation de Rimouski, des à-plat-ventristes, des multiculturalistes pro-charia.
Le débat s’enfonce. Les voix modérées sont enterrées par un concert de points d’exclamation, de majuscules et de caractères gras.
Et par des jugements de valeur à l’emporte-pièce qui passent pour des réflexions profondes.
Les femmes qui disent porter le voile par choix? Des «folles», disait Denise Filiatrault, signataire du manifeste des Janette, à Paul Arcand hier.
LA VOIX DES JANETTE
La lettre de Janette Bertrand m’a troublée. J’ai beau chercher, je n’arrive pas à voir que l’égalité hommes-femmes au Québec est menacée par la religion au point de limiter les libertés individuelles. Pas quand ce principe est pro-
LES VOIX MODÉRÉES SONT ENTERRÉES PAR UN CONCERT DE POINTS D’EXCLAMATION
tégé par deux chartes. La perspective d’une grande marche en arrière ne se pointe sur aucun horizon. Demandez-le aux jeunes, les grands absents du débat. Ils vont vous regarder comme si vous arriviez de Mars.
Comme toutes les femmes qui ont vécu sous la domination de leur mari, Mme Bertrand sait, car elle l’a raconté dans sa biographie, que l’émancipation est un long processus. Toutes les lois du monde n’auraient pu la sortir de sa dépendance. C’est un chemin qu’elle a dû faire par elle-même, pour elle-même. Braquer les femmes qui croient que le foulard constitue un élément-clé de leur vie spirituelle ne va rien accomplir d’autre que de couper les ponts.
Si les hommes oppriment les femmes musulmanes, pourquoi les punir, elles? Ce sont les femmes qui refusent d’enlever leur voile qui perdraient leur emploi, alors que les hommes pourraient continuer à travailler avec leur barbe ostentatoire. Réfléchissons!
TOUJOURS L’ÉDUCATION
Le projet de charte tel qu’on nous l’a présenté à ce jour ne fera rien pour endiguer des dérives qui ne se règlent que par l’éducation et par la solidarité.
Hier, je suis tombée sur la publicité d’un médecin pure laine qui fait des reconstructions de l’hymen. Il promet même que ça va saigner. Merci, doc, d’être solidaire des femmes.
Pensez-vous que j’aime défendre le voile? Que je n’y vois pas un signe d’asservissement, volontaire ou inconscient? Mais je me place du côté de Voltaire, qui, au sujet des intolérances du christianisme, a dit: «Je n’aime pas vos idées, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer.»
Les femmes qui portent le voile ont peut-être tort, mais je leur reconnais le droit d’avoir tort. Au nom d’une société juste.