Le Journal de Montreal

Sophie Durocher

Endoctrine­ment pro-religion

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

En plein débat sur la charte et l’égalité hommes femmes, un film glorifiant l’éducation des filles pour devenir « de bonnes épouses et de bonnes mères » va être montré à des élèves du secondaire, comme étant un bel exemple de tolérance!

Je viens de voir le documentai­re Shekinah, au sujet d’une école juive pour jeunes filles, dont le but est uniquement de les préparer à «fonder un foyer selon les lois de la Torah».

Pouvez-vous croire que le réalisateu­r du film n’émet jamais aucune critique sur cette forme d’éducation? L’air de dire: «Bof, ça fait partie de leur religion».

J’ai bien hâte de voir ce que Janette Bertrand et ses 20 Janette vont penser de ce film, où des jeunes filles se font dire que leur rôle sur terre est d’avoir au moins 12 ou 13 enfants!

COMME EN 1950 !

Shekinah, de Abbey Jack Neidik, suit pendant un an la directrice et les élèves d’une école juive hassidique Loubavitch de SainteAgat­he-des-Monts. Sur l’affiche du film est inscrite la phrase: «Ce film renverse les idées préconçues». Mais en fait, on y découvre que les Loubavitch sont encore plus rigides qu’on le pensait.

Les hommes et les femmes ont toujours des activités séparées, les femmes n’ont pas le droit de serrer la main d’un homme et le mari doit penser au rabbin quand il fait l’amour avec sa femme.

Un rabbin interrogé dans le film affirme pourtant que les hassidim sont des féministes. Pourquoi? «Parce que les femmes sont au coeur du grand projet: révéler Dieu sur terre.» (Faut croire qu’on n’a pas tous la même définition du féminisme.)

Ce film comporte plusieurs scènes surréalist­es. Une jeune fille de 25 ans qui a «étudié et a une carrière» se fait rappeler vertement à l’ordre par le «marieur» de la communauté pour qu’elle se trouve un mari. Une autre déclare: «Dieu m’a donné un utérus, faut que ça serve.»

Lors d’une rencontre avec de jeunes étudiantes de la polyvalent­e de Sainte-Agathe-des-Monts, des jeunes femmes hassidique­s affirment qu’elles n’ont, elles, aucun préjugé sur les non-juifs. Puis, une jeune québécoise leur demande: «Est-ce que l’homosexual­ité est permise dans votre religion?» Horrifiées, elles répondent en choeur: «Non, non, c’est interdit! De toute façon, c’est contre nature!». «Il n’y a aucun amour dans ces relations-là», répond l’une d’elles, dégoûtée.

Avec aplomb, la jeune Québécoise leur répond: «Chez nous, à l’école, on nous apprend que l’homosexual­ité n’est pas contre nature, que ce n’est pas une maladie, et que c’est tout à fait acceptable.»

Alors, je pose la question: quelle est la communauté qui a le plus de préjugés?

Le mari doit penser au rabbin quand il fait l’amour avec sa femme

AUCUNE REMISE EN QUESTION

Le documentai­re sera diffusé en salles, à Radio-Canada, et il aura droit à une projection spéciale au Théâtre Outremont le 24 octobre devant des élèves du secondaire. Leurs professeur­s se feront même remettre une trousse pédagogiqu­e.

Au lieu de leur présenter des documentai­res critiques de la religion, de toutes les religions, on présente aux jeunes un film complaisan­t, gnangnan, sans aucun regard critique.

Est-ce vraiment de ça qu’on a besoin, en plein débat sur la place du religieux dans notre société?

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