Le Journal de Montreal

Le fléau de l'intimidati­on

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Le taxage dans nos établissem­ents scolaires et la cyberintim­idation font de plus en plus les manchettes des médias. Il ne faudrait cependant pas oublier que plusieurs personnes oeuvrant dans différents domaines subissent quotidienn­ement de l'intimidati­on sans que cette forme de violence ne fasse la une des journaux. Des adultes se font ridiculise­r et sont parfois victimes d'actes de violence parce qu'ils ne font pas « partie de la gang » . Il y a presque un demi- siècle, alors que j'avais à peine seize ans et que je devais gagner ma vie dans une usine, j'ai dû subir ce genre de traitement durant plusieurs mois, de la part d'un travailleu­r beaucoup plus âgé, qui trouvait un malin plaisir à m'asséner des coups de poing chaque fois qu'il passait près de mon lieu de travail. Ce dernier se vantait auprès de ses camarades qu'il agissait de cette manière afin de m'endurcir. Cet individu a cessé de m'importuner lorsque je lui ai fait croire que mes parents m'avaient amené chez un avocat, et que celui- ci avait pris plusieurs photos de mes deux bras, qui avaient pris une teinte bleutée à la suite des multiples coups re- çus. Craignant probableme­nt une poursuite au criminel et au civil, je n'ai plus jamais été frappé par celui qui, aujourd'hui, aurait sûrement été traduit devant les tribunaux.

Quelques années plus tard, cette personne a eu la douleur de perdre un de ses deux adolescent­s, décédé à la suite d’un accident d'automobile. Je vous avoue que lorsque je me suis rendu au salon funéraire afin de lui offrir mes sympathies, et que je l'ai vu complèteme­nt démoli face à cet événement, je n'ai pu m'empêcher de penser en mon for intérieur: aujourd'hui, tu paies pour tout ce que tu m'as fait endurer et pour avoir gâché une partie de ma jeunesse. Près de cinquante années ont passé et il m'arrive parfois de rencontrer par hasard l'auteur de cette violence à mon endroit. Ce septuagéna­ire me semble un brin mal à l'aise lorsque nos chemins se croisent. Je lui ai depuis pardonné, mais il m'arrive souvent de penser à ceux qui, aujourd'hui, vivent la même situation que celle qui fut la mienne à une certaine époque, et qui ont peut- être commis l'irréparabl­e, incapable de faire face à toute cette violence.

Yvon Thibodeau

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