Le Journal de Montreal

Céline, l’intemporel­le

- denise bombardier denise.bombardier@quebecorme­dia.com Quelle est votre opinion sur le rapport de Céline Dion avec le Québec? Venez en débattre jdemcom/opinions

Son parcours défie le temps. Elle a d’abord été une vedette enfant, puis une star québécoise et ensuite une mégastar américaine. La suite de sa carrière fait éclater les catégories, le phénomène de mode et l’époque, car Céline Dion est entrée dans un espace réservé aux artistes mythiques.

La diva commande donc que l’on s’incline non seulement devant son talent, mais aussi son profession­nalisme qui frôle l’obsession et un don de soi sans limites. Lundi soir, sur scène, elle était la reine de France. Adulée par ses fans, qui sont à la fois les plus exigeants et les plus fidèles de la planète, Céline a réussi à enflammer ceux qui, dans le passé, lui avaient résisté.

Ma consoeur de La Presse Agnès Gruda, présente lundi au stade de Bercy, n’avait jamais vu à l’évidence Céline Dion sur scène. Il faut lire son compterend­u de mardi. La journalist­e a vécu comme une révélation au sens quasi religieux du terme le «phénomène Céline Dion». D’ailleurs, à Paris, une partie des médias ont longtemps tenu la dragée haute à la chanteuse. On se vantait de ne pas connaître ses chansons; on la qualifiait de «plouc» (quétaine); on l’imitait avec cruauté même et il était de bon ton de hausser les épaules lorsque, dans la presse populaire, on l’encensait.

LA DIVA RECONNUE

Et voilà donc que même les récalcitra­nts succombent. Ses interventi­ons depuis deux semaines dans les émissions grand public l’ont révélée telle qu’en elle-même. Son intelligen­ce, sa sé-

la diva est reconnue désormais Par ceux qui hier l’iGnoraient

duction redoutable, sa connaissan­ce intime de la nature humaine et son habileté à s’ajuster à ses interlocut­eurs ont triomphé des plus sceptiques. La diva est reconnue désormais par ceux qui hier l’ignoraient.

Dans un entretien qu’il m’a accordé dans le Journal il y a quelques mois, le chef de l’Orchestre symphoniqu­e de Montréal, Kent Nagano, expliquait justement que lorsqu’un artiste atteint le degré absolu de perfection, les catégories qui le définissen­t n’existent plus. Au sommet de son art, l’artiste devient magnifié, qu’il soit classique ou populaire. C’est ce qu’a réussi Céline Dion. Et, contrairem­ent à ce qu’imaginent ceux qui sont restés accrochés à «la petite Céline qui est comme nous autres», Céline Dion ressent au plus profond d’elle-même dans sa solitude de diva cette différence fondamenta­le qui la sépare du reste du monde.

DANS UNE LANGUE ÉLÉGANTE

Céline en France, il faut le noter, s’exprime dans une langue élégante, fluide, qui interdit à ses interlocut­eurs de l’enfermer dans un personnage de feuilleton québécois. Lorsqu’elle débarque au Québec, c’est une autre histoire. Son dernier passage au Banquier a suscité quelques réserves de gens par ailleurs admiratifs quant à son niveau de langage. Il faut donc s’interroger sur la Céline du Québec, dont on a le sentiment qu’elle tente de se rapprocher au plus près du peuple qui l’a découverte, portée, idolâtrée et l’admire au point de la considérer comme une de nos richesses naturelles. Il est bouleversa­nt de penser que Céline Dion conserve une crainte enfantine de ne plus être acceptée dans le cocon québécois.

Sans doute l’usage du joual représente­t-il alors un des seuls liens affectifs qui lui restent dans sa vie riche, célèbre et déracinée d’icône internatio­nale.

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