Les notes d’entrevue resteront secrètes
La Cour supérieure casse un mandat de perquisition
Les policiers n’auront pas accès aux notes d’entrevue de deux chercheurs qui avaient interviewé Luka Rocco Magnotta en 2007, a tranché la Cour supérieure.
L’affaire remonte cinq ans avant que Magnotta soit accusé du meurtre atroce de l’étudiant chinois Jun Lin.
Sous le pseudonyme «Jimmy», l’assassin allégué avait rencontré les docteures Christine Bruckert et Colette Parent de l’Université d’Ottawa, qui réalisaient une étude sur la prostitution masculine entre quatre murs.
Les noms des participants étaient confidentiels, mais en mai 2012, un étudiant avait refilé aux policiers la véritable identité de «Jimmy». Les autorités s’étaient empressées de saisir les documents, mais l’exercice n’aura servi à rien.
Car l’affaire s’était rendue en cour. Les chercheurs faisaient valoir que sans confidentialité, les gens ne voudront plus participer à ce genre d’étude. La Couronne avançait de son côté que les notes d’entrevues pourraient s’avérer utiles au procès de l’assassin allégué, prévu pour septembre prochain.
Après huit mois de délibération, la juge Sophie Bourque a finalement donné raison aux deux professeurs.
«Les recherches académiques fournissent des informations utiles sur certains aspects de la condition humaine qui passe sous silence, a indiqué la magistrate dans son jugement rendu mardi. [...] Certaines études impliquant des su- j ets vulnérables ne peuvent être conduites que si les participants reçoivent la garantie de confidentialité.»
AU « CAS PAR CAS »
Mais chaque dossier doit être traité au cas par cas, a prévenu la juge. Car il faut trouver un équilibre entre l’intérêt public de ces recherches et celui de mener une enquête sur un crime grave.
Pour l’Association canadienne des professeurs et professeures d’université (ACPPU), il s’agit d’une décision importante.
«Pour la première fois, la Cour accorde aux chercheurs le privilège de confident i alité, s’est réjoui l e directeur de l’ACPPU James Turk. Ça reste toujours une affaire de cas par cas, mais nous sommes très contents de la décision.»
Du côté de la Couronne, on évalue maintenant la décision de porter l’affaire en Cour d’appel, mais aucune décision n’a encore été prise, a fait savoir le porte-parole du directeur des poursuites criminelles et pénales Me Jean-Pascal Boucher.
Rappelons d’ailleurs que Magnotta avait subi son enquête préliminaire, et que les notes d’entrevue des deux docteures n’avaient pas été déposées en preuve. Malgré tout, l’accusé de 31 ans avait été cité à procès pour une série d’accusations, dont une de meurtre prémédité sur Jun Lin, 32 ans, le 25 mai 2012.
Magnotta fait aussi face à des chefs d’outrages à un cadavre, de production et distribution de matériel obscène, d’utilisation illégale de la poste et de harcèlement envers le premier ministre Stephen Harper et des membres du Parlement.