Un surdoué perdu en politique
Philippe Couillard fut un élève surdoué. Bachelier à 16 ans, médecin à 21 ans, neurochirurgien à 26 ans. Dans un entretien qu’il m’accordait à la fin de l’été dans le Journal, il avouait être impressionné par les gens intelligents. Que pensez-vous de ce portrait de Philippe Couillard que dresse notre chroniqueuse? Venez en débattre jdem.com/dbombardier
Raisonner est son idéal. Alors, il raisonne. Sur la charte de la laïcité, il s’en tient aux principes et à une conception rigide du droit. Un neurochirurgien devant son patient au crâne ouvert n’a pas d’états d’âme, pas d’émotions, pas de tremblement. Pour le plus grand bien du malade, évidemment. C’est sa posture vis-à-vis du Québec actuel.
Sa froide lecture du débat est en porteà-faux avec la réalité politique. Les Qué- bécois majoritairement éprouvent un malaise face aux intégristes débarqués chez nous depuis à peine quelques décennies et qui ont compris que cette société ouverte aux quatre vents leur permettait de se replier et de s’enfoncer dans une culture qu’ils ont quittée Dieu sait pourquoi.
Philippe Couillard a séjourné suffisamment longtemps en Arabie saoudite, le pays de l’intégrisme wahhabite, pour se désensibiliser sans doute à la vue de ces oiseaux noirs qui déambulent dans l’espace public, accompagnés obligatoirement de mâles comme cerbères, fussent-ils âgés de 10 ans. On comprend donc qu’il ait résisté longtemps avant de faire cette ultime concession d’interdire ces habits, symboles de la perception tordue masculine que les hommes ont
un Politicien ne Peut être un mystique radical. l’émotion doit alimenter son action.
reçue en héritage dans la culture que le Dr Couillard avoue par ailleurs admirer.
LA NÉCESSITÉ DE VIBRER
Toute l’intelligence du monde ne transforme pas une personne en politicien. Philippe Couillard, grand pêcheur à la mouche comme Stéphane Dion, partage avec ce dernier et Michael Ignatieff une approche de la politique qui la vide de son contenu. La capacité intellectuelle, une culture vaste et éclectique ne sont pas des passeports qui donnent automatiquement accès au talent politique. Un politicien doit vibrer, ressentir le peuple, s’identifier à lui, saisir ses angoisses, ses faiblesses, sa grandeur potentielle. Un politicien ne peut être un mystique radical. L’émotion doit alimenter son action.
La froideur chez Philippe Couillard n’est pas de même nature que celle qu’on observait chez P. E. Trudeau, l’incandescent bagarreur de rue lorsque nécessaire, le démagogue selon les besoins, le provocateur sur demande. René Lévesque, l’homme du compromis, vibrant, impatient, se transformait en auditeur attentif des Québécois, épousant tour à tour leurs inquiétudes, leur tristesse et leur fierté. Comme Robert Bourassa, à vrai dire.
Philippe Couillard aura réussi à perdre des appuis dans l’opposition, alors que Pauline Marois, à la tête d’un gouvernement sans réussites marquantes et avec des échecs économiques indiscutables, est en train de se distancer avec sa charte qui rallie des pans entiers du Québec bouillonnant.
L’expulsion déguisée de Fatima Houda-Pepin, les stupidités improvisées du député libéral Marc Tanguay sur le tchador et la conviction affirmée de Philippe Couillard de la diversion que représente le débat alors qu’il divise ou enthousiasme pour le meilleur ou le pire d’ailleurs sont les indices que le chef du PLQ devrait s’émouvoir devant le gâchis appréhendé de la défaite de son parti sur lequel il a imposé la tyrannie de sa raison.