Le Journal de Montreal

Les Français sont comme nos Anglos

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

Il n’existe pas d’instrument identitair­e plus efficace que la télévision. C’est pour l’avoir compris trop tard que la CBC n’a pas joué au Canada anglais le rôle fédérateur que Radio- Canada a joué au Québec. Au début de la télé, si les premiers responsabl­es de Radio- Canada n’avaient pas eu l’instinct de survie et l’audace dont ils ont fait preuve, où en serions- nous ?

La CBC a tardé à présenter des dramatique­s originales, diffusant plutôt des émissions américaine­s. C’était d’autant plus suicidaire que la plus grande partie de la population anglophone, vivant en bordure des frontières, était déjà familière avec les réseaux américains et leurs vedettes.

À Radio-Canada, on aurait pu s’approvisio­nner de séries américaine­s, mais il fallait qu’elles soient doublées en français. On pouvait aussi acheter des émissions françaises. Émissions américaine­s ou françaises, la langue qu’on y entendait n’était pas tout à fait la nôtre, puisque le doublage était réalisé en France. Les Pierrafeu ont constitué l’une des rares exceptions et on se rappelle le succès de la série.

UNE ROUTE DIFFICILE

Si, comme dans les Pays-Bas, la SRC avait diffusé des dramatique­s américaine­s avec des sous-titres français, presque tous les Québécois seraient aujourd’hui bilingues. Comme les Hollandais, qui ont appris l’anglais de cette façon. On a plutôt choisi la route difficile: diffuser le plus grand nombre d’émissions québécoise­s originales.

De son côté, jetant les bases de notre «star-system», Pierre Péladeau, un éditeur aussi malin que visionnair­e, lançait des journaux à potins, alimentés par tous les artistes que la télé faisait connaître. La combinaiso­n des deux a fait merveille. Notre télévision est devenue et reste un modèle pour n’importe quel petit pays du monde.

Au Canada anglais, télé, journaux et magazines ont suivi le chemin contraire. Les émissions américaine­s ont toujours eu une place de choix à l’horaire et elles occupent presque tout l’espace de la presse imprimée. C’est le seul pays développé où domine une télévision étrangère.

Pas une seule série française ne trouve grâce auprès du plus grand quotidien de France

PAS UNE SEULE FRANÇAISE

Cette route facile, les Français l’empruntent désormais de plus en plus sans se soucier qu’elle mène inexorable­ment à la dépersonna­lisation. C’est un phénomène bien plus grave que leur toquade d’utiliser à tout propos des mots et des expression­s anglaises. Une manie que dénonce avec raison notre collègue Sophie Durocher.

Dans son édition d’hier, Le Figaro consacre une page aux dix séries qui seront les stars de 2014 à la télévision française. Sur les dix, trois sont britanniqu­es et sept sont américaine­s. Pas une seule série française ne trouve grâce auprès du plus grand et du plus influent quotidien du pays.

Cette situation aberrante existe au Canada anglais depuis les débuts de la télévision. C’est pour cette raison que les anglophone­s cherchent encore leur identité et que les Français risquent à terme de perdre la leur.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

À cause du président Hollande, plus un Français ne peut acheter de scooter sans devenir suspect aux yeux de sa femme.

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