Le Journal de Montreal

Des résidences pour les aînés gais

Un moyen de contrer l’isolement ou un abandon de la lutte contre la discrimina­tion ?

- Camille Laurin- Desjardins lCDesjardi­nsJDM ccamille.laurin-desjardins@quebecorme­dia.com f514.599.5888 8050

Pour plusieurs, créer des résidences pour personnes âgées gaies est la solution à court terme pour empêcher que ces personnes vivent dans la crainte et l’isolement. Pour d’autres, cela ne ferait que repousser le problème.

Gilbert Ouellet salue le travail fait par la Fondation Émergence dans les résidences pour personnes âgées, dans le cadre du programme Pour que vieillir soit gai, comme le mentionnai­t Le Journal, hier. Mais il constate malheureus­ement que la sensibilis­ation avance à pas de tortue. C’est pourquoi le président de l’Associatio­n des retraités de la communauté (ARC) travaille à un projet de maison de retraite pour des homosexuel­s dans un ancien couvent de la rue Fullum, à Montréal. Le projet, développé par les organismes La Traversée et Bâtir son quartier, comprendra une soixantain­e de logements pour retraités, dont environ la moitié sera réservée à des personnes homosexuel­les. Une autre soixantain­e de logements sera disponible pour des personnes en perte d’autonomie, quelle que soit leur orientatio­n sexuelle. La résidence devrait être prête à la fin de l’été.

« Pour l’instant, la situation n’est pas propice à l’i ntégration dans l es résidences, croit M. Ouellet. Et les gens qui sont en fin de vie n’ont plus nécessaire­ment l’énergie pour se battre. Ils ont besoin de faire partie d’un groupe, de se sentir ensemble.»

Une centaine de membres de l’ARC ont déjà donné leur nom pour aller vivre dans cette résidence, ajoute M. Ouellet.

BAISSER LES BRAS ?

Pour Jacques Beausoleil, toutefois, ce n’est pas une solution. M. Beausoleil a commencé sa carrière de militant pour les droits des homosexuel­s à 50 ans, tout de suite après être sorti du placard. Aujourd’hui âgé de 80 ans, il ne compte pas baisser les bras.

«On devrait se battre pour que les institutio­ns nous respectent, plutôt que de construire nos propres institutio­ns», considère celui qui a déjà été président de l’Associatio­n des pères gais de Montréal, notamment.

Pour M. Beausoleil, maintenant que les droits fondamenta­ux des homosexuel­s sont acquis et que la question est réglée sur le plan juridique, ceux-ci doivent s’intégrer à la société. «J’ai compris une loi sociologiq­ue: jamais une majorité ne donne à la minorité les moyens de son développem­ent, précise- t- il. Celle- ci doit aller les chercher à bras raccourcis.»

Mais évidemment, il concède que ce n’est pas tous les gais de sa génération qui ont cette graine de militant en eux.

MULTITUDE DE PARCOURS

« Il y a des gens qui ne sont pas des porte- drapeau de l eur communauté, souligne Marie- Noëlle Goulet- Beaudry, coordonnat­rice du Réseau des lesbiennes du Québec. À chacun son histoire. Donc l’idéal, c’est que les gens puissent avoir le choix, en fonction de leurs besoins.»

Line Chamberlan­d, titulaire de la chaire de recherche sur l’homophobie à l’UQAM, croit également qu’il n’y a pas une solution parfaite.

«Je pense que ça prend les deux, dit-elle. Je ne crois pas qu’on doive opposer les deux actions. Et habiter dans une résidence pour aînés gais, ce n’est pas abandonner la lutte. Il y a plusieurs façons de vieillir. Mais une chose est sûre, tu veux te sentir en sécurité en vieillissa­nt, c’est un besoin fondamenta­l.»

La chercheuse ne considère pas que ces résidences forment un «ghetto», mais un moyen de rester plus actif et d’entretenir une sociabilit­é. D’autant plus qu’il n’y a pas seulement des homosexuel­s dans le projet développé par l’ARC, rappelle-t-elle.

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