Le Journal de Montreal

Surdose mondiale de pesticides

Les produits chimiques accusés du déclin des abeilles menacent toute la biodiversi­té et la santé humaine

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S f514.599.5888 8024

La communauté scientifiq­ue internatio­nale tire la sonnette d’alarme : les pesticides accusés de la disparitio­n des abeilles menacent l’ensemble de la biodiversi­té et, ultimement, la santé humaine.

En 10 ans, le taux de mortalité des abeilles a doublé au Québec. Partout dans le monde, les ruches se vident. Et il n’y a pas que les abeilles qui soient intoxiquée­s.

Les papillons, les oiseaux, les vers de terre, les poissons et les grenouille­s sont aussi sur la liste des victimes.

Et voilà qu’au Japon, les hospitalis­ations pour surdose de pesticides neurotoxiq­ues se multiplien­t.

« Il y a urgence » , prévient la biologiste Madeleine Chagnon, professeur­e associée à l ’ UQAM, si rien n’est fait, « nous allons vers une catastroph­e».

Dans un geste d’une rare ampleur, Mme Chagnon s’allie à 39 autres scientifiq­ues indépendan­ts de renommée mondiale pour réclamer des actions « immédiates et sérieuses » des gouverneme­nts, contre les pesticides à base de néonicotin­oïdes et de fipronil (les néonics).

NÉONICOTIN­OÏDES

« Il faut s’attendre à des conséquenc­es très sévères sur la biodiversi­té et la santé humaine. » – Pre Madeleine Chagnon, biologiste

Ces pesticides systémique­s sont employés massivemen­t dans les champs de maïs et de soya au Canada, mais aussi dans plusieurs autres cultures dont le riz en Asie, pour prévenir les infestatio­ns de ravageurs.

Ils ont la particular­ité de ne pas être répandus par voie aérienne. Ils sont plutôt employés comme enrobage des semences.

Au fil de la croissance de la plante, ils se répandent donc dans sa sève, mais aussi dans le sol qui l’entoure.

Puis, ils migrent dans l’environnem­ent en suivant les poussières et le ruissellem­ent des eaux, affectant toute la biodi- versité sur leur passage et s’accumulant dans la chaîne alimentair­e.

EFFETS

Après avoir compilé 800 études scientifiq­ues toutes révisées par les pairs, les 40 chercheurs du Groupe de travail sur les pesticides systémique­s sont clairs: loin de protéger la production alimentair­e, les néonics sont « une menace » pour l’ensemble du milieu naturel.

«Les effets générés par l’exposition à ces substances peuvent être immédiats et fatals, mais également chroniques, écrivent les scientifiq­ues. Parmi les dommages chroniques possibles, citons la perte d’odorat ou de mémoire, une perte de fécondité.»

En conséquenc­e, les chercheurs recommande­nt de durcir la réglementa­tion sur les néonics, et de «commencer à planifier leur suppressio­n progressiv­e à l’échelle mondiale».

UN MARCHÉ IMPORTANT

Sous le coup d’un moratoire en Eu- rope, ces pesticides sont autorisés par Santé Canada, bien qu’Ottawa considère que « les pratiques agricoles actuelles ayant trait à l'utilisatio­n de semences de maïs et de soja traitées aux néonicotin­oïdes ne sont pas viables».

Les néonics sont aujourd’hui les pesticides les plus utilisés au monde. En 2011, ils représenta­ient un marché de 2,63 milliards $.

 ??  ?? Étienne Lapierre de la miellerie urbaine Alvéole examine une ruche. Depuis la fin de l’hiver, les apiculteur­s québécois comptent les morts dans leurs ruches. Les scientifiq­ues sont maintenant convaincus que les abeilles ne sont pas les seules malades.
Étienne Lapierre de la miellerie urbaine Alvéole examine une ruche. Depuis la fin de l’hiver, les apiculteur­s québécois comptent les morts dans leurs ruches. Les scientifiq­ues sont maintenant convaincus que les abeilles ne sont pas les seules malades.

Newspapers in French

Newspapers from Canada