Surdose mondiale de pesticides
Les produits chimiques accusés du déclin des abeilles menacent toute la biodiversité et la santé humaine
La communauté scientifique internationale tire la sonnette d’alarme : les pesticides accusés de la disparition des abeilles menacent l’ensemble de la biodiversité et, ultimement, la santé humaine.
En 10 ans, le taux de mortalité des abeilles a doublé au Québec. Partout dans le monde, les ruches se vident. Et il n’y a pas que les abeilles qui soient intoxiquées.
Les papillons, les oiseaux, les vers de terre, les poissons et les grenouilles sont aussi sur la liste des victimes.
Et voilà qu’au Japon, les hospitalisations pour surdose de pesticides neurotoxiques se multiplient.
« Il y a urgence » , prévient la biologiste Madeleine Chagnon, professeure associée à l ’ UQAM, si rien n’est fait, « nous allons vers une catastrophe».
Dans un geste d’une rare ampleur, Mme Chagnon s’allie à 39 autres scientifiques indépendants de renommée mondiale pour réclamer des actions « immédiates et sérieuses » des gouvernements, contre les pesticides à base de néonicotinoïdes et de fipronil (les néonics).
NÉONICOTINOÏDES
« Il faut s’attendre à des conséquences très sévères sur la biodiversité et la santé humaine. » – Pre Madeleine Chagnon, biologiste
Ces pesticides systémiques sont employés massivement dans les champs de maïs et de soya au Canada, mais aussi dans plusieurs autres cultures dont le riz en Asie, pour prévenir les infestations de ravageurs.
Ils ont la particularité de ne pas être répandus par voie aérienne. Ils sont plutôt employés comme enrobage des semences.
Au fil de la croissance de la plante, ils se répandent donc dans sa sève, mais aussi dans le sol qui l’entoure.
Puis, ils migrent dans l’environnement en suivant les poussières et le ruissellement des eaux, affectant toute la biodi- versité sur leur passage et s’accumulant dans la chaîne alimentaire.
EFFETS
Après avoir compilé 800 études scientifiques toutes révisées par les pairs, les 40 chercheurs du Groupe de travail sur les pesticides systémiques sont clairs: loin de protéger la production alimentaire, les néonics sont « une menace » pour l’ensemble du milieu naturel.
«Les effets générés par l’exposition à ces substances peuvent être immédiats et fatals, mais également chroniques, écrivent les scientifiques. Parmi les dommages chroniques possibles, citons la perte d’odorat ou de mémoire, une perte de fécondité.»
En conséquence, les chercheurs recommandent de durcir la réglementation sur les néonics, et de «commencer à planifier leur suppression progressive à l’échelle mondiale».
UN MARCHÉ IMPORTANT
Sous le coup d’un moratoire en Eu- rope, ces pesticides sont autorisés par Santé Canada, bien qu’Ottawa considère que « les pratiques agricoles actuelles ayant trait à l'utilisation de semences de maïs et de soja traitées aux néonicotinoïdes ne sont pas viables».
Les néonics sont aujourd’hui les pesticides les plus utilisés au monde. En 2011, ils représentaient un marché de 2,63 milliards $.