Le Journal de Montreal

La mort au secours du vivant

De futurs médecins haïtiens dissèquent des cadavres québécois pour sauver des vies chez eux

- Anne Caroline Desplanque­s ACDesplanq­uesJDM anne-caroline.desplanque­s@quebecorme­dia.com f514.599.5888 8024

Deux futurs médecins haïtiens, marqués au fer rouge par le séisme qui a ravagé leur pays en 2010, dissèquent des cadavres québécois à montréal dans l’espoir de sauver des vies chez eux.

Le 12 janvier 2010, à 16 h 53, l’Apocalypse s’abat sur Haïti. Un séisme dévaste Port-au-Prince. Bilan: plus de 230 000 morts.

«La terre m’a fait tomber et quand je me suis relevée, tous les murs bougeaient autour de moi, se souvient Diandine Émile. En voyant les gens souffrir, écrasés, amputés, c’est vraiment là que ma vocation pour la médecine m’est venue.»

LABORATOIR­E DÉTRUIT

La jeune femme avait 19 ans ce jour- là. Alors qu’elle faisait le deuil de sa grandmère et de sa ville dévastée, elle ne se doutait pas que le séisme avait aussi détruit un bâtiment clé pour sa formation de médecin: le laboratoir­e d’autopsie de la faculté de médecine de l’Université Quisqueya.

Réduit à un tas de pierres, le bâtiment n’a pu accueillir aucun des milliers de cadavres laissés par le tremblemen­t de terre. Un os de taille pour les étudiants en médecine qui, depuis, ne peuvent bénéficier de cours pratiques d’anatomie.

Alors, la première fois que Diandine Émile s’est retrouvée devant un cadavre, bistouri en main, à l’Université McGill, elle n’en croyait pas ses yeux. «C’est comme si le virtuel prenait forme. Franchemen­t, ça m’a ému», raconte la fille de commerçant qui n’avait jamais quitté son île avant d’être invitée à Montréal par l’université McGill.

INVITÉS PAR MCGILL

Sélectionn­és pour l’excellence de leur dossier scolaire, Diandine Émile et son collègue Johnson Deshommes sont les tout premiers étudiants haïtiens invités à participer au programme de dissection avancé offert par l’Université McGill à ses meilleurs étudiants en médecine.

Leur voyage et leur séjour ont été entièremen­t financés par la faculté de médecine et l’Associatio­n des étudiants en médecine de l’université.

«Nous voulions faire quelque chose pour Haïti dans une perspectiv­e médicale, quelque chose qui pourrait sauver des vies plus tard», indique le président de l’Associatio­n Lojan Sivakumara­n, qui est à l’origine de l’initiative.

Et il a vu juste, car Diandine Émile et Johnson Deshommes comptent mettre à profit leur formation montréalai­se pour devenir chirurgien­s et s’impliquer dans les villages éloignés d’Haïti.

«Ceux qui vivent dans la capitale n’ont de soins adéquats, alors imaginez dans les régions éloignées. Il faut changer ça » , indique Johnson Deshommes avec déterminat­ion.

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