Surréelle bande de Gaza
GAZA | on a beau s’y être préparé, l’expérience n’en demeure pas moins terrifiante. le départ d’une roquette tirée d’une position à deux pas seulement de notre hôtel a fait trembler les vitres et rempli le ciel d’une électricité angoissante.
Tous les journalistes qui savouraient sur la terrasse un rare moment de repos se sont tous précipités sur leur gilet pare-balles et en une fraction de seconde le restaurant extérieur s’est vidé de ses clients. Les caméramans ont sorti leurs appareils et commencé à essuyer machinalement la lentille. Tout le monde s’est mis dans le mode attente. Car nous étions convaincus qu’il va y avoir plus vite que tard une suite au lancement de cette roquette vers le territoire israélien.
«Le petit malin qui a cru qu’Israël s’abstiendrait de répliquer à proximité d’un hôtel rempli de j ournalistes occidentaux se trompe royalement » , a grogné un collègue palestinien, anticipant lui aussi une riposte retentissante de Tsahal.
COURSES À OBSTACLES
Des heures ont passé, l’attaque israélienne n’est jamais arrivée. Mais aucun journaliste n’est retourné sur la terrasse. La roquette était un rappel que Gaza n’était pour personne ici une destination vacances.
La traversée du passage d’Eretz (porte d’entrée dans la bande de Gaza) –, que nous avons effectuée plus tôt cette semaine – est une course à obstacles qui annonce déjà un voyage pas comme les autres. Après avoir survécu à l’interrogatoire froid des gardes- frontières israéliens armés jusqu’aux dents, il faut s’engager dans une succession de tourniquets grillagés qui ne permettent pas de faire passer en même temps les individus et leurs valises, donnant lieu à des contorsions aussi bien comiques que frustrantes. Ensuite, il y a un long couloir couvert qui mène au côté palestinien de la frontière.
Partir de la frontière d’Eretz au centre-ville de Gaza est une traversée d’un paysage troublant de destruction et d’absence d’humains.
FEINDRE LA VIE « NORMALE »
Reconnu pourtant pour être un des bouts de terre le plus densément peuplé du monde, Gaza semble avoir avalé la presque totalité de ses habitants. Les rares qu’on apercevra profitent de courts moments de répit dans les opérations de l ’ armée i sraélienne pour se précipiter à la boulangerie se faire un stock de pain. Un ou deux enfants font mine de s’autoriser une vie normale d’enfant, c’est-à-dire jouer, mais le coeur n’y est vraiment pas, et très vite ils s’engouffrent dans la maison familiale.
Dans le bus rempli de journalistes occidentaux, le silence prouve une prise de conscience de la réalité «anormale» (euphé- misme) de Gaza. Instinctivement, nous ajustons nos vestes pare-balles. Et ce ne sont là que les premières minutes d’une journée qui s’annonce épuisante.
À minuit 25, hier soir, je suis brutalement interrompu dans l’écriture de cet article. Alors que je m’apprête à accorder une entrevue à la radio, on frappe violemment à la porte de ma chambre. Je me retrouve nez à nez avec un employé de l’hôtel qui me demande de sortir au plus vite et de me précipiter dans le sous- sol. Une information annonce une frappe imminente dans les parages.
Probablement que j’ai trop vite parié sur une non-réponse de l’armée israélienne.
CESSEZ- LE- FEU
C’est dans le sous-sol de l’hôtel que nous apprenons l’obtent i on d’un cessez- l e- f eu de 72 heures à compter de ce matin. Un journaliste américain lance à la blague: « il ne nous reste qu’à survivre cette nuit et demain [ vendredi] ce sera le cessez-le-feu». Même nos hôtes palestiniens la trouvent drôle.