Le Journal de Montreal

Le Chili sur lA Bonne voie

- GILLEs PROULX gilles.proulx@quebecorme­diA.com

pendant que l’Amérique du sud panse ses plaies et assume intelligem­ment son histoire en inscrivant ses grands personnage­s, même d’anciens ennemis jurés, dans une mémoire collective dûment enseignée à l’école, le québec, lui, n’a pas ce courage.

Oui, je reviens d’un petit périple au Chili. Une chose ne changera jamais, pour le voyageur: l’étonnement de plonger dans l’hiver un 6 juillet… Le préjugé qui fait rimer «Sud» avec «chaleur» a la couenne dure. Atterrir à Santiago au Chili au milieu d’une foule emmitouflé­e, le nez masqué, plein de gens qui toussent, cela procure toujours une drôle de sensation lorsqu’il fait 30 degrés à Montréal.

Le Chili, que j’avais visité sous la dictature de Pinochet, agit sous la gouverne de la présidente Michelle Bachelet, qui en est à son deuxième mandat. Le pays a reconnu ses responsabi­lités dans les exactions commises lors de la dictature militaire. Près du palais présidenti­el, appelé la Moneda, on a érigé un gigantesqu­e monument à Salvador Allende, le premier président socialiste élu et violemment délogé (et tué) le 11 septembre 1973 par les troupes du général Pinochet.

unE mÉmoirE nuAnCÉE

Au sujet de Allende et Pinochet, dans la population, on est encore divisé. Nombre de Chiliens sont nuancés, et disent que l’un (Allende) a apporté des mesures sociales qui ont favorisé les pauvres, et que l’autre (Pinochet) a modernisé et stimulé l’économie avec l’aide de Washington. Autrement dit, beaucoup de Chiliens trouvent du bon à la fois dans Allende et Pinochet, ce qui est beaucoup plus rare chez les Chiliens du Québec, bien sûr, puisque plusieurs de ceux-ci ont été ostracisés par la dictature, et sont venus chez nous pour la fuir.

Cette même repentance quant aux coups de force, cette même volonté de réhabilite­r certains grands personnage­s encore contestés, et parfois morts violemment, je l’avais ressenti à Buenos Aires, où la nouvelle démocratie n’a pas craint de remettre dans sa toponymie, les noms d’Évita Perón ou d’Ernesto Che Guevara.

l’ouBli

Et dire que par chez nous, on craint encore de baptiser le balcon de l’hôtel de ville de Montréal en l’honneur du libérateur de la France, qui nous a mis sur la carte mondiale le 24 juillet 1967: le général de Gaulle…

Le Chili, pays de 17 millions d’habitants, dont 7 dans sa capitale, très active, est d’une propreté impeccable. Son immigratio­n est essentiell­ement hispanopho­ne et chrétienne, et elle provient des pays voisins.

C’est presque le plein emploi. La mesure sociale du salaire minimum garanti, même si ce dernier n’est que de 450 $ par mois, s’avère un succès.

Bref, le préjugé de l’Amérique du Sud «pauvre» prend un coup dans l’esprit de celui qui découvre le Chili. Tôt ou tard, ce pays va nous dépasser.

N’oublions pas que c’est la tortue qui bat le lièvre, dans la fable de Lafontaine. Or, notre faiblesse, par rapport au Chili, c’est notre lâcheté politique et mémorielle. Nous finirons bien par mériter l’épitaphe collective qu’Olivar Asselin nous a préparée: «Ci-gît un peuple mort de bêtise.»

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