Le Journal de Montreal

LA ROUTE DU DIABLE

Pour la première fois, on peut circuler sur cette route redoutée par les camionneur­s

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Blanc-Sablon | C’est une route périlleuse en pays hostile. Aussi bien dire la route du Diable. Elle fait 1711 km entre Baie-Comeau et Blanc-Sablon, à l’extrémité est du Québec, en passant par Fermont, le coeur du Labrador, un océan blanc et une mer d’épinettes noires. Pour la première fois, on y circule l’hiver pour ravitaille­r Blanc-Sablon. Le Journal était du voyage, dans le «convoi de l’extrême» mené par Yvan Poitras.

Yvan parcourt le Nord sans arrêt à bord de son 53 pieds depuis 32 ans. Pas surprenant que ses confrères le surnomment le P’tit gars du Nord. C’est lui qui a livré «le premier voyage» à l’ouverture de la route jusqu’à Labrador City, en 1988. Et c’est lui qui a livré à Blanc-Sablon, mijanvier, la première cargaison de produits frais par la route du Nord, à bord de son camion d’Express Havre Saint-Pierre.

Le périple de 1711 km prend trois jours et chacun «fournit son histoire», répète le routier. C’est long, mais c’est au moins trois jours de gagnés par rapport aux livraisons par bateau. Pour les gens de l’endroit qui paient souvent une fortune pour des légumes rabougris qui ont trop voyagé, c’est une petite révolution.

SOLUTION DE RECHANGE RECHERCHÉE

L’idée folle d’emprunter cette route pour la livraison de denrées l’hiver vient d’Yvan luimême. Il l’a eue en jasant avec la propriétai­re d’une épicerie qui cherchait la solution de rechange aux livraisons par bateau, qui devaient d’ailleurs cesser pour l’hiver avant que le gouverneme­nt ne change d’idée.

Sur la route, «plus on monte, plus le Diable s’en vient», décrit Yvan. À Goose Bay, au Labrador, on emprunte la 510 jusqu’à la mer, une route complétée fin 2009. On regagne le Québec sur un petit bout de route 138 isolé du reste.

Le trajet n’a rien d’une balade du dimanche. Si la partie terre-neuvienne est en bon état et pavée en bonne partie, c’est une autre histoire au Québec. Des tronçons de la 389 ressemblen­t à un chemin forestier, d’autres ne sont pas pavés ou encore étroits et sinueux. L’état souvent lamentable de la chaussée ajoute à la difficulté. «Ça tient de l’irréel qu’il n’y ait pas plus d’accidents mortels», tonne Yvan. Les patrouille­urs sont rares, ajoute-t-il, et les incidents, fréquents.

Du côté du Labrador, le risque vient de l’isolement. La route est assez fréquentée jusqu’à Goose Bay, ravitaillé­e en bonne partie par des routiers québécois. Mais après, plus rien pour 400km. «Si tu brises, s’il faut te faire réparer, c’est une histoire terrible, t’es un peu laissé à toi même», confie Yvan.

Malgré tout, «c’est pas une affaire impossible ou extravagan­te», poursuit le chauffeur, qui ne prend aucune mesure de sécurité particuliè­re pour parcourir cette route.

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