Le Journal de Montreal

J’ai vu Tombouctou !

- CHRISTIAN DUFOUR christian.dufour@quebecorme­dia.com

Il y a des lieux qui stimulent en nous un imaginaire si fort qu’ils attirent comme un aimant ceux qui n’y ont jamais mis les pieds.

C’est à partir de souvenirs d’enfance que les amateurs de Tintin auront parfois en tête des images du Lotus bleu la première fois qu’ils iront en Chine. À moins que d’anciens petits gars ne se souviennen­t plutôt des aventures de Bob Morane à Macao.

On éprouve le goût d’aller à ces endroits mythiques, ne serait-ce que pour pouvoir se dire: «Incroyable! Je suis à Jérusalem. Je suis à Marrakech...»

EXIT CIGARETTES, MUSIQUE, SOCCER

L’antique cité africaine de Tombouctou, aux portes du désert du Sahara, est chargée de pareils mystères.

On en avait entendu parler il y a quelques années lorsque des intégriste­s islamiques en avaient pris le contrôle, imposant leur joug rétrograde aux autochtone­s musulmans civilisés.

Exit manuscrits et masques anciens, cigarettes, musique et soccer! Place aux mariages forcés des femmes, sous peine de coupage de main, lapidation et autres abominatio­ns.

SCULPTURES ASSYRIENNE­S DÉTRUITES

Alors que l’on apprend que les fous furieux d’Irak ont détruit les magnifique­s sculptures assyrienne­s du musée de Mossoul, après que les talibans eurent abattu les grands Bouddhas afghans, allez voir Timbuktu .

Ce film franco-mauritanie­n exceptionn­ellement réussi vient de remporter sept Césars. Ne vous laissez pas arrêter par les sous-titres. N’écoutez pas les puristes qui prétendent que les intégriste­s ont l’air trop modérés dans un film trop esthétique.

Courez voir Timbuktu si vous voulez quelque chose qui vous change des commentair­es redondants que vous entendez sur le fondamenta­lisme musulman, si vous voulez voir un mélange d’humanité et de folie.

Timbuktu est un film magnifique par ses images envoûtante­s de paysages et de gens qui les habitent. Mais il montre surtout, avec une admirable efficacité, les deux faces ennemies de l’Islam. La gentilless­e et la foi de gens ordinaires sensés, confrontés à des envahisseu­rs malades se réclamant du même Dieu.

La force du film est que, sans escamoter le côté terrible de la situation, il ne sombre pas dans le sadisme sanguinole­nt: le spectacula­ire est réservé aux images du désert. Comme si une certaine douceur de cette société, où la vie est pourtant dure, colorait le film même en temps de malheur.

Timbuktu nous rappelle qu’au-delà de nos indignatio­ns formatées de Québécois enfoncés dans le confort d’une société qui n’a jamais été historique­ment plus sécuritair­e, il existe des êtres humains — des musulmans dans leur immense majorité — qui vivent réellement ces horreurs-là.

Mais ce ne sont que les mots de quelqu’un qui n’est pas critique de cinéma. Allez voir Timbuktu si vous voulez voir la beauté et l’humanité confrontée­s à la déraison.

Vous pourrez alors presque dire: j’ai été dans cette mythique cité à l’entrée du Sahara; j’ai rencontré ses habitants. J’ai vu Tombouctou, qui sera là longtemps après que ses persécuteu­rs auront disparu.

TIMBUKTU EST UN FILM MAGNIFIQUE PAR SES IMAGES ENVOÛTANTE­S DE PAYSAGES ET DE GENS QUI LES HABITENT.

tenants et aboutissan­ts. Les attentats qui secouent actuelleme­nt l’Occident produisent la terreur qui est l’essence même de la domination totalitair­e. Selon les mêmes fondements et stratégies, le nazisme s’est imposé à partir d’une idée de la race ou le régime totalitair­e stalinien sur celle de la lutte des classes. La colère des islamistes radicaux est dirigée contre l’Occident et, dans cette perspectiv­e, toutes les conditions sont rassemblée­s:

– Une idéologie de base, c’est-à-dire appliquer la logique d’une idée, se servir de l’idée de Dieu afin d’expliquer leurs gestes barbares. Son principe d’action est de provoquer la terreur. Et le fantassin djihadiste devient le résultat concret de sa programmat­ion: centre de recrutemen­t, centre de formation, centre d’entraîneme­nt militaire, etc.

– Une organisati­on structurée, des réseaux logistique­s et, surtout, des commandita­ires, notamment des États ou pays qui n’ont aucun souci de remédier à la misère du monde, appliquant chez eux avec rigueur la loi islamique dénaturée: la décapitati­on, la charia, la flagellati­on, etc.

L’opinion publique au Québec ces joursci fait beaucoup référence à l’intégrisme religieux islamique. Non sans raison. À sa face même, non seulement certains intégriste­s heurtent-ils nos valeurs, mais plus encore, ils encouragen­t ceux ou celles qui sont déjà partisans de l’intransige­ance à se radicalise­r davantage.

Sans hurler au loup ni sombrer dans l’aveuglemen­t, le gouverneme­nt doit agir, avec lucidité, vigilance et tolérance sur plusieurs plans à la fois, dont le législatif. Au-delà des solidarité­s «événementi­elles», il demeure essentiel d’affirmer et de protéger les valeurs qui sous-tendent le «vivre ensemble» de tous les Québécois, toutes origines et croyances confondues. L’intelligen­ce et la raison ne sont pas créatrices des valeurs, celles-ci étant, en quelque sorte, les «règles de survie» de toute société: c’est-à-dire qu’il doit y avoir une grande ressemblan­ce entre les hommes dans leurs actions et leurs réactions dans l’ordre moral, social et esthétique. Michel Héroux, Denys Larose

et Jean-Noël Tremblay Les auteurs habitent Montréal

et Québec

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