La BD est Charlie
En réponse aux tragiques événements du 7 janvier dernier, dessinateurs de presse et bédéistes du monde entier ont spontanément dessiné.
Jamais le proverbial «Une image vaut mille mots» n’aura été aussi juste et percutant. Plusieurs centaines d’illustrations ont pris d’assaut les médias sociaux à peine quelques instants après l’horreur. Certaines d’entre-elles ont été publiées dans différents imprimés, dont le numéro hors série de l’hebdomadaire belge Spirou écoulé à plus de 200 000 exemplaires – un record depuis sa naissance il y a 78 ans! – ou encore dans une édition spéciale du quotidien français Libération .
Cette pulsion créative inédite a donné lieu à La BD est Charlie , une anthologie de 176 pages à laquelle prennent part 173 auteurs, dont les Québécois Guy Delisle et François Lapierre. Piloté par le groupe bande dessinée du Syndicat national de l’édition (SNE), l’ouvrage compte sur la précieuse collaboration de 35 maisons d’édition, dont Casterman, Dargaud, Dupuis, Glénat et Delcourt.
Illustrateurs, éditeurs et distributeurs offrent gracieusement leurs droits et services à la cause, dont la totalité des profits sera remise aux 17 familles endeuillées. Un événement sans précédent dans l’univers du neuvième art.
PLEIN LA GUEULE
Si on peut se demander comment les illustrateurs disparus de l’hebdo satirique Charlie Hebdo auraient réagi en voyant des millions de gens défiler dans les rues en gage de soutien, alors que seulement un infime pourcentage d’entre eux les lisait, il ne fait aucun doute que La BD est Charlie les aurait fait bien marrer. Car bon nombre de ses artisans ne se sont pas ménagés.
L’un de ceux-là est sans contredit Johan De Moor. L’artiste revisite une caricature du défunt rédacteur en chef Charb publié quelques jours avant la tuerie, où l’on pouvait lire «Toujours pas d’attentats en France» et un terroriste affirmant «Attendez, on a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses voeux».
Le fils de l’illustre collaborateur d’Hergé nous montre le même terroriste, cette foisci ensanglanté, chantonnant «Bonne année». Une illustration percutante, qui, malgré la tristesse, réussit à nous faire rire, que ce soit jaune ou noir. Un simple dessin qui non seulement pose la question «peuton rire de tout», mais qui y répond avec éloquence. Un petit crobard qui justifie à lui seul – pour ceux et celles qui en douteraient encore – l’indéniable nécessité de la caricature.
Le caricaturiste québécois feu Robert Lapalme affirmait qu’un caricaturiste est la conscience de la démocratie. La BD est Charlie lui donne raison. Bien plus qu’un simple hommage à Wolinski, Cabu, Tignous et Charb, c’est un vibrant manifeste pour la liberté d’expression. La connerie en prend plein la gueule. C’est bien le moins qu’elle mérite.