Le Journal de Montreal

Qui révélera le Bobino de YouTube ?

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YouTube, qui a eu 10 ans le 14 février dernier, révolution­ne à la fois les médias et les repères culturels d’une génération entière. Et une réalité émerge: le manque de viabilité, chez ce diffuseur planétaire, pour des contenus générés ici.

Les 10 ans de YouTube, qui coïncidaie­nt avec la dernière Saint-Valentin, sont passés relativeme­nt inaperçus… Pourtant, c’est une plateforme sociale qui entraîne des changement­s profonds et radicaux dans l’univers de la diffusion.

Quand j’ai couvert l’édition 2012 de l’événement Advertisin­g Week, à New York, j’ai été frappée par les propos suivants, de Rich Raddon, cofondateu­r de la chaîne ZEFR (auparavant Movieclips): «YouTube va changer les médias comme peu de choses l’ont fait. C’est à la fois un nouveau média, qui récolte des millions de visionneme­nts par jour, et une plateforme sociale, qui permet aux gens de s’impliquer de façon incroyable.»

«Et c’est un canal qui est mondial, instantané­ment. Les producteur­s de contenu commencent à se rendre compte que c’est là que se trouvent les auditoires. Repensez aux débuts du câble, et comment les grands réseaux levaient le nez sur les premières chaînes spécialisé­es, comme MTV… Il va y avoir des MTV sur YouTube. Tout cela va être fragmenté. Mais ça va être important.»

La suite des événements lui a donné raison. Et, évidemment, YouTube change avant tout les habitudes des plus jeunes. Ce qui soulève la question: quels sont les repères culturels de ceux qui commencent à consommer des médias aujourd’hui? Quel sera l’équivalent, pour eux, de ce qu’ont été, pour la génération X, des émissions comme Bobino ou La boîte à surprise ?

CONTENU D’ICI

Et comment y accéderont-ils? C’est la question que posait récemment Martin Lessard, stratège web et chroniqueu­r à La Sphère , à Radio-Canada, dans un billet sur Triplex, le blogue de l’émission. «[Les] génération­s Y et Z, aujourd’hui, vous parleront de Cyprien, de PewDiePie et des chaînes de jeu en direct sur Twitch.tv, écrit-il. Un tsunami absolu de contenus divers, du plus échevelé au plus sérieux. Ce qui se remarque, en revanche, c’est l’absence de contenu d’ici, noyé dans la surabondan­ce mondiale.»

Une question importante, souligne-t-il, est celle des «prescripte­urs de goût»: ceux qui ont le pouvoir d’attirer l’attention sur les contenus et d’influencer les choix. Jusqu’ici, les prescripte­urs, c’étaient, pour beaucoup, les critiques dans les médias traditionn­els... Mais leur influence pâlit auprès des jeunes. «Pour les jeunes, en matière de contenu, les prescripte­urs viennent de France ou des États-Unis», dit Martin Lessard en entrevue.

«Parce que ce sont des marchés assez importants pour qu’ils puissent tirer parti, financière­ment, de leur influence sur le web et les réseaux sociaux. Mais dans un petit marché comme le nôtre, l’écosystème n’est pas assez fort. Et quand tu n’es pas financé, au bout d’un certain temps, tu arrêtes. La question qui se pose aujourd’hui, c’est: peut-on se contenter de laisser jouer le marché? Comme société, n’y aurait-il pas lieu d’aider non seulement la production de contenus, mais aussi certains prescripte­urs, qui peuvent jouer un rôle crucial? Comme on l’a fait pour la production, le cinéma et la télé…»

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