Des tickets pour respecter les quotas
Un policier a mis à l’amende une dizaine d’automobilistes qui avaient omis de tourner leurs roues
Un policier qui avait «des quotas à respecter» a laissé des contraventions en souvenir à une dizaine d’automobilistes qui n’avaient pas tourné leurs roues vers le trottoir, dans une petite rue en pente de Montréal.
Après avoir découvert le constat de 57$ sur son pare-brise et aperçu la dizaine d’autres contraventions coincées sous les essuie-glaces des voitures voisines, Guy Boudreau a vivement interpellé le patrouilleur en service pour connaître la raison de sa contravention.
Selon ses dires, et à sa grande surprise, le policier aurait rétorqué: «C’est écrit sur le ticket», avant d’ajouter: «On a des quotas à respecter», rapporte M. Boudreau.
L’agent aurait poursuivi en lui expliquant que lui et ses collègues essayaient de faire abolir les quotas que la Ville de Montréal leur impose, et qu’à Québec, par exemple, leurs homologues avaient une retenue de 50 $ sur leur paie s’ils ne donnaient pas assez de constats d’infraction.
«Ça devient ridicule, on se fait contrôler pour la moindre petite chose. On appelle ça du zèle», peste Guy Boudreau qui promet de contester son ticket.
« PAS DE SENS »
Victime du même agent, M Nguyen n’a pas compris tout de suite le pourquoi du constat. «Je me gare ici tout le temps pour prendre le métro, car je travaille dans le centre-ville, et ça ne m’est jamais arrivé. Je ne connaissais même pas ce règlement. Ça n’a pas de sens», déploret-elle.
Pour l’avocat Éric Lamontagne, spécialisé en infractions routières chez Contravention Expert, ce type de ticket «fait partie de ces fameuses contraventions qu’on donne une fois toutes les années bissextiles», image-t-il.
S’il estime que ce règlement a sa raison d’être pour assurer la sécurité du public, il rétorque toutefois qu’il est «difficile de donner de bonnes habitudes aux gens en donnant une série de contraventions, puis en disparaissant».
CHERCHER L’INFRACTION
Par ailleurs, l’allusion aux quotas supposément faite par le policier ne le surprend pas. «Il cherche l’infraction au lieu de la constater [...]. Ça démontre le malaise entre la Ville, le SPVM et ses policiers. Ces derniers servent presque de collecteurs de taxes».
Le fondateur de SOS Ticket, Alfredo Munoz, opine dans le même sens que M. Lamontagne. «Malheureusement aujourd’hui, les quotas font la loi».
L’ancien policier déplore le rendement demandé aux agents, qui finit par occulter, selon lui, «le niveau de service qu’on souhaite offrir à la population».
En 2005, lorsqu’il était encore au SPVM, les quotas imposés étaient de 100 contraventions par mois par équipe de travail.
«Aujourd’hui, c’est environ 130. Ça fait deux par personne par jour en moyenne», révèle-t-il.
Avec un tel fonctionnement, «on perd confiance dans le corps policier, et le respect de la population», se désole-t-il.