Le Journal de Montreal

Tout est bruit pour qui a peur

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À quelques jours du dépôt de son deuxième budget, le ministre des Finances, Carlos Leitao, livre le fond de sa pensée et révèle ce que sont à ses yeux les vraies affaires: afficher un budget équilibré en 2015-2016 et offrir un environnem­ent stable et prévisible aux entreprise­s.

La logique de M. Leitao brille par son incongruit­é, car, d’une part, il rappelle l’importance d’offrir un environnem­ent stable et prévisible aux entreprise­s, sur le plan fiscal. D’autre part, il prétend que les entreprise­s ne veulent pas faire face à d’éventuels changement­s majeurs dans le régime fiscal.

Croit-il que les Québécois, eux, s’accommoden­t avec le sourire de changement­s majeurs dans le régime fiscal, ainsi que d’un environnem­ent instable et imprévisib­le?

Comment douter des qualités humanistes de M. Leitao lorsque ce dernier estime davantage la crédibilit­é et la stabilité financière de l’État que le bien-être des Québécoise­s et des Québécois? Il préfère inventer une urgence d’agir qui provoque un torrent d’effets négatifs plutôt que d’offrir des conditions de vie décentes aux Québécois.

Pourtant, selon une étude de l’IRIS, les Québécois ont été sévèrement ponctionné­s au cours des dernières années. Notamment, entre 2008 et 2014, le gouverneme­nt a puisé dans leurs poches 3,6 milliards $ en contributi­ons supplément­aires sous forme de taxes, tarifs et impôts.

Toutefois, cela n’empêche nullement le gouverneme­nt de faire tourner à plein régime la machine à balivernes. Rareté des ressources, équité entre les génération­s, recentrage du rôle de l’État, adaptation des programmes à la nouvelle réalité: voilà un solide tissu d’inepties entretenu par la crainte injustifié­e d’une décote.

Si le ministre Leitao prenait le temps de lire à l’occasion, il réaliserai­t que les agences de notation ont plutôt les yeux tournés vers l’Ontario, où le déficit, contrairem­ent au Québec, est nettement disproport­ionné par rapport aux revenus de l’État. Reconnaiss­ons toutefois à M. Leitao une compréhens­ion directe ou indirecte de Sophocle, grand tragédien de la Grèce antique, qui disait que «tout est bruit pour qui a peur». Une phrase qui va comme un gant au ministre des Finances.

Philippe Desjardins

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