Un acheteur étonnant
Les héritiers de Paul Desmarais n’ont jamais caché leur ambivalence face aux journaux régionaux dont ils avaient hérité.
L’an dernier, ils ont même réfléchi à haute voix sur la disparition possible des quotidiens de Québec, Gatineau, Trois-Rivières, Sherbrooke et Granby.
Donc, pas de surprise pour moi aujourd’hui. Gesca n’en voulait plus et l’intégration à La Presse + ne pouvait fonctionner. Les intérêts des lecteurs et des annonceurs régionaux ne peuvent être adéquatement représentés par un grand quotidien centralisateur.
Il restait la mort à petit feu, la fermeture ou la vente. Mais tout n’est pas sombre: si le lectorat des journaux régionaux baisse partout, le déclin est moins marqué que pour les quotidiens nationaux.
Ce qui étonne, c’est l’identité de l’acheteur, l’ex-ministre fédéral libéral Martin Cauchon, plus connu pour le projet de loi sur le mariage entre conjoints de même sexe que pour son expertise en gestion de médias.
De plus, on ne connaît pas de fortune personnelle à cet avocat né à La Malbaie et qui fut dans sa jeunesse valet à Sagard. Les mauvaises langues disent déjà qu’il pourrait s’agir d’un investissement privé de la famille Desmarais, mais le montant de la transaction tout comme l’identité des bailleurs de fonds ne seront pas dévoilés.
LA PUB D’ABORD
Soutenir six quotidiens à ce momentci de l’histoire des médias exige du nerf, de la vision et beaucoup d’argent.
De plus, Martin Cauchon hérite de journaux papier sans présence en ligne, alors que l’industrie poursuit inexorablement sa migration vers internet. Le nouvel Eldorado, c’est la diffusion sur appareils mobiles d’informations en continu. La Presse +, mise en ligne à 5 h 30 le matin, sent déjà le vieux vers 15 h. Tôt ou tard, les médias régionaux n’échapperont pas à cette dynamique.
Mais le nerf de la guerre demeure les ventes publicitaires, dont les journaux tirent la plus grande partie de leurs revenus. Coupés du vaisseau amiral Gesca, les titres régionaux ne seront pas automatiquement alimentés en publicité nationale et ne pourront pas se fier à la publicité locale, tributaire des moindres soubresauts de l’économie locale. À Montréal, l’aventure La Presse + va continuer. Maintenant que les régionaux sont partis, la version papier devrait bientôt disparaître.
Et je vais continuer de croire que le modèle des journaux en ligne gratuits n’est pas viable à long terme.