Le Journal de Montreal

Une créature des Desmarais

- j. jacques samson jjacques.samson@quebecorme­dia.com

Le transfert des six journaux régionaux de Gesca (Power Corp.) à un nouveau groupe de presse propriété unique de l’exministre libéral fédéral, Martin Cauchon, impose deux questions de fond: qui finance M. Cauchon? Gesca s’est-elle donné un «PKP fédéralist­e» pour régner sur les régions?

M. Cauchon est très proche sinon une créature politique de la famille Desmarais. Elle l’a pris sous son aile.

Il a été ministre, candidat négligé à la direction du PLC et par la suite il avait orienté sa pratique profession­nelle vers de la représenta­tion en Asie. Sa plongée dans l’informatio­n régionale, sous le prétexte qu’il cherchait une occasion d’affaires pour son âme d’entreprene­ur né, fait sourciller.

DE RÉELS CHANGEMENT­S ?

Gesca conserve La Presse, déficitair­e depuis plusieurs années, selon tous les analystes, et sort de son périmètre comptable des journaux régionaux, jugés rentables? Le quotidien de la rue Saint-Jacques, à Montréal, a connu du succès avec sa version numérique, mais les revenus de ces plateforme­s sont encore bien inférieurs à ceux des versions papier des journaux. Curieuse décision.

M. Cauchon a d’autre part indiqué qu’il maintenait en place les directions des journaux régionaux et il a nommé au poste de président-directeur général de sa nouvelle entreprise l’actuel éditeur du Soleil de Québec, un journal en déclin accéléré.

Les autres journaux cédés, Le Nouvellist­e (Trois-Rivières), La Tribune (Sherbrooke), Le Quotidien (Saguenay), Le Droit (Ottawa) et La Voix de l’Est (Granby) ont de bons taux de pénétratio­n dans leur marché respectif. Ceux-ci sont toutefois dépendants de la maisonmère sur les plans des ventes publicitai­res nationales et du contenu rédactionn­el. À quelles mamelles s’alimentero­nt-ils dorénavant si ce n’est plus à celles de Gesca? Ces facettes n’ont pas été élaborées non plus hier.

La nouvelle direction n’a pas davantage annoncé un plan d’investisse­ments pour donner un nouveau souffle à ses journaux.

Sous le couvert qu’il s’agirait d’une transactio­n privée, M. Cauchon n’a pas répondu hier à aucune de ces interrogat­ions. La visibilité était aussi nulle que sur la route de Sagard dans les pires tempêtes hivernales.

LA DIMENSION POLITIQUE

La ligne éditoriale chez Gesca a toujours été inconditio­nnellement fédéralist­e.

Martin Cauchon appartient à la filière Trudeau (père) — Chrétien. Des élections fédérales auront lieu en octobre. Dans quelle mesure «callera-t-il la shot»? On peut s’en douter. Les Desmarais ont toujours dicté la page éditoriale de La Presse et par ricochet de leurs journaux régionaux.

Sur la scène québécoise, le Parti québécois mise beaucoup sur la clientèle des régions où il joue les cartes de l’identité et de la négligence du développem­ent régional au profit de la métropole et de la capitale.

Les résultats électoraux sont facilement prévisible­s à Montréal. L’île est divisée en deux: libérale à l’ouest; PQ et Québec solidaire à l’est. Québec et les régions font et défont généraleme­nt les gouverneme­nts.

La main-mise sur les médias régionaux peut être un atout pour une option politique. Cette dimension a sûrement joué dans la manoeuvre de Gesca.

L’annonce d’hier n’est qu’un premier pas, j’en suis convaincu, vers une restructur­ation ultérieure qui changera vraiment cette fois le paysage médiatique. Entre-temps, rien n’a changé.

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