Le Journal de Montreal

Lettre aux étudiants « en grève »

Les syndicats n’ont pas besoin de votre aide !

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Je sais que le français n’est pas votre matière préférée (même les futurs profs ont de la difficulté à maîtriser leur langue), mais pouvezvous cesser de dire que vous êtes «en grève»?

Voici quelques définition­s du mot «grève»:

— Cessation collective et concertée du TRAVAIL en vue d’appuyer des revendicat­ions profession­nelles (Larousse);

— Mouvement collectif pris à l’initiative du personnel d’une entreprise, destiné à contraindr­e l’employeur à la négociatio­n des conditions de TRAVAIL et de rémunérati­on. (Dictionnai­re du droit privé);

— Cessation volontaire et collective du TRAVAIL décidée par des salariés pour obtenir des avantages matériels ou moraux (Le Petit Robert);

— Coalition d’ouvriers qui refusent de TRAVAILLER, tant qu’on ne leur aura pas accordé certaines conditions qu’ils réclament (Littré).

SE TIRER DANS LE PIED

Vous avez vu le mot qui revient régulièrem­ent? Travail.

Qu’est-ce qu’un «travail»? C’est une «activité profession­nelle rétribuée».

Le travailleu­r est PAYÉ pour OFFRIR ses services. Alors que l’étudiant, lui, PAIE pour RECEVOIR des services. Vous voyez la différence? Malgré toute l’admiration que vous portez au mouvement ouvrier, ce que vous faites n’est pas une grève: c’est un BOYCOTT.

Et même là, il y a boycott et boycott.

Vous ne boycottez pas une entreprise qui veut faire de l’argent en vous vendant un produit, vous ne mettez pas les profits d’une entreprise en péril.

Vous boycottez une institutio­n qui veut vous rendre service en vous permettant d’acquérir des connaissan­ces!

En français, on appelle ça «se tirer une balle dans le pied».

Ou, comme le définit le dictionnai­re: «Agir contre ses propres intérêts. Se faire du tort, se nuire.»

En agissant de la sorte, vous ne faites mal à personne d’autre qu’à vous-mêmes.

QUEL EST L’ENJEU ?

Lorsque vous boycottiez vos cours, en 2012, l’enjeu était clair: vous ne vouliez pas payer davantage pour étudier.

Mais cette année, c’est quoi, l’enjeu?

L’austérité? Les hydrocarbu­res? Pourquoi ne pas ajouter le logement social, le sexisme, l’évasion fiscale, l’islamophob­ie, la loi antiterror­iste et la faim dans le monde, tant qu’à faire?

Allez, un petit effort! Comme scandaient les militants de Mai 68: «Soyez réalistes, demandez l’impossible!»

Pas étonnant que les centrales syndicales ne veuillent pas marcher à vos côtés. Les travailleu­rs du secteur public manifesten­t pour des enjeux concrets: leurs régimes de retraite, leur salaire, leur plancher d’emploi, le maintien de leurs avantages… Ils veulent du vrai, du solide.

Ils n’ont pas de temps à perdre à pelleter des nuages… Et puis, c’est quoi, le plan? Vous allez boycotter vos cours jusqu’à ce que les Québécois s’engagent à ne plus consommer d’essence?

NON, MERCI !

En passant, si vous voulez vraiment nuire aux syndicats, allez militer à leurs côtés lors de leurs prochaines manifs.

Les syndicats veulent montrer au gouverneme­nt qu’ils sont sérieux et que leurs propositio­ns sont pragmatiqu­es et réalistes.

La dernière chose dont ils ont besoin est de recevoir l’appui de 30 000 étudiants qui manifesten­t pour des raisons idéologiqu­es.

Marc Ranger et ses amis ont autant besoin de votre aide que d’un coup de batte de baseball derrière la tête.

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