La « petite » Presse
Les journaux, comme celui que vous avez en mains en ce moment, sont comme les églises, les grands voiliers ou les locomotives à vapeur: les reliquats romantiques d’une époque, et d’une économie aujourd’hui révolues.
Cela les rend précieux. Personne aujourd’hui ne penserait à abattre des arbres en forêt pour en faire de la pulpe, puis du papier sur lequel des presses grosses comme des moteurs de cargo impriment des nouvelles et des annonces, dans un petit livre de grand format, livré à la main chez vous chaque matin pendant que vous dormez encore. C’est cela qui rend précieux les journaux qu’il nous reste.
LA PRESSE RÉGIONALE
Les quotidiens, qui ont déjà été des machines à imprimer des profits, ferment aujourd’hui comme les cordonneries et les stations-service. Et ceux qui changent de mains se vendent pour beaucoup moins cher que ce qu’on en a donné naguère – ce qui est probablement le cas des journaux régionaux de Gesca, transaction dont la valeur est restée secrète.
Ces journaux en arrachent aujourd’hui, comme les chemins de fer, Postes Canada, les magasins de la rue St-Hubert, et comme bien des régions du Québec, qui roulent encore sur leur erre d’aller, mais ne peuvent contempler l’avenir sans frissonner de frayeur. Et pour les mêmes raisons.
Mais on peut croire que ces journaux ont encore un avenir. Surtout les plus petits. Surtout en régions.
Leur suffira de se réinventer, ce qu’ils n’ont pas su faire à l’ombre du modèle montréalais – mégapropriétaire, grosses centrales syndicales – qui les définissait.
Pendant longtemps, le local, le régional, le monde municipal ont été regardés de haut, comme du menu fretin, par les grands médias québécois, absolument fascinés par Québec, par la question nationale.
La presse régionale n’était qu’une succursale, périphérique, l’équivalent média d’une ligue de hockey junior, évoluant à l’ombre de la grande tente.
TOUJOURS NÉCESSAIRE
Aujourd’hui on n’a plus besoin du journal pour savoir qui a gagné le match d’hier, ou l’élection en Israël. Ces informations nous arrivent de partout. Mais qui nous informe de ce qui se passe à l’hôtel de ville, à la commission scolaire, aux loisirs ou dans la ZEC?
La commission Charbonneau nous a démontré qu’il se brassait des volumes considérables de merde dans ces officines que les «gros» médias regardaient de haut et de loin. Du coup, la commission Charbonneau et ce qui l’entoure ont changé l’ambiance. Le régional, le municipal ont repris de la valeur, l’enquête a pris du galon, les bonzes locaux ne sont plus des vaches sacrées. Tout cela est de bon augure pour des médias locaux qui, libérés de la tutelle, ou du joug de la grosse Presse, et de la culture de ses gros syndicats, ont maintenant l’opportunité de se réinventer, pour survivre.
Qui aurait prédit, il y a 40 ans, que les taudis de la Pointe St-Charles ou de St-Roch vaudraient un jour plus cher que des bungalows neufs en couronne? Qui aurait dit que des micro-brasseries, des boulangeries artisanales allaient s’implanter et prospérer? Que des petites voitures vaudraient plus cher que des grosses?
L’avenir a ceci de bien qu’il est toujours étonnant.
mAis On peut CROiRe que Ces jOuRnAuX Ont enCORe un AVeniR. suRtOut les plus petits. suRtOut en RéGiOns.