Le Journal de Montreal

Le véritable sens du mot chicane

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Je voudrais vous sensibilis­er à la gravité d’un problème qui vous a été soumis par une maman qui ne parvenait plus à s’interposer lors des chicanes entre ses enfants (un garçon et une fille). D’après ses dires, la chicane durerait depuis plusieurs années, et la situation empirerait. Votre réponse m’a estomaquée et j’espère que cette maman a cherché ailleurs des solutions.

1er cliché : Vous dites « c’est normal de se chicaner ». Il ne faut pas confondre conflits et chicanes. Les conflits sont inévitable­s. Mais la chicane qui est une façon de réagir au conflit, est rarement efficace, car elle vient d’une incapacité à s’expliquer, à négocier et à faire des compromis. Elle résulte de l’incapacité à reconnaîtr­e ses torts et à s’en excuser, ou encore de l’incapacité à pardonner et à oublier, des habilités sociales qu’un enfant doit développer jeune avec l’aide des ses parents justement.

2ième cliché : On dit souvent « dans le fond ils s’aiment bien » ou pire « ils se chicanent parce qu’ils s’aiment. » Aimer s’exprime par des paroles et des gestes positifs. Se taper dessus verbalemen­t et physiqueme­nt au contraire brise les liens affectifs. Ou encore ils démontrent qu’il n’y a pas de liens affectifs. Ça arrive que des frères et des soeurs n’aient pas d’affinités, et prétendre qu’ils s’aiment alors que les faits montrent le contraire donne un message très ambigu sur ce qu’est l’affection.

3ième cliché : « Plus tard ils vont probableme­nt très bien s’entendre. » C’est vrai que ce n’est pas impossible. Mais de longs conflits non réglés durant l’enfance, ça donne des adultes qui n’ont aucun bon souvenir à partager, et trop souvent le schéma relationne­l de départ perdure au fil des décennies. Et même si ce « plus tard » optimiste se réalisait, est-ce une raison pour se laisser gâcher le présent? Ces clichés sont utiles aux parents et aux éducateurs pour minimiser les problèmes et ne pas s’en occuper. Mais être un parent demande des compétence­s que parfois les gens n’ont pas. Comme la fumée secondaire, la chicane pollue l’atmosphère, et toute la famille en est affectée.

Anonyme

La lettre à laquelle vous faites référence tenait en cinq lignes et ne me semblait pas sous-tendre un problème aussi grave que ce que vous soulevez. Si j’ai erré dans ma réponse qui se voulait réconforta­nte pour une maman qui me semblait s’en faire beaucoup avec peu, je publie la vôtre, en soulignant que dans un cas aussi grave que ce que vous décrivez, il serait effectivem­ent opportun de consulter un(e) travailleu­r (euse) social (e).

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