Une Québécoise à la cime
Marilou Dussault grimpe aux arbres professionnellement. Elle en a fait son métier, d’abord comme élagueuse et maintenant comme professeure. Elle participera au Championnat du monde ce week-end en Floride. Elle vise le podium.
«Ce que je vais gagner si je suis déclarée championne?» répète, Marilou.
«Une autre chainsaw!» lance l’athlète en riant.
Elle a déjà environ une dizaine de tronçonneuses, qui traînent pratiquement toutes dans son cabanon, sauf trois qu’elle utilise «des fois au chalet».
L’argent ne pousse pas dans les arbres.
«Je le fais pour moi et contre moi», dit l’élagueuse professionnelle, en parlant de sa motivation de compétitionner sur la scène internationale depuis bientôt 10 ans.
UN MÉTIER, PUIS UNE PASSION
«Il était une fois une petite qui aimait grimper aux arbres et qui en fit son métier.» Pas tout à fait. Marilou me raconte son histoire autrement: «Le CÉGEP! Passer de l’école privée au CÉGEP avec la liberté, l’auto… j’ai tout lâché!
«Mais comme il n’était pas question que je travaille au Zellers toute ma vie, j’ai regardé les programmes de DEP pour me trouver un métier sans devoir passer encore dix ans de ma vie à l’école. J’étais sportive et je souhaitais travailler dehors: l’arboriculture-élagage, tiens!» continue Marilou, avec son franc-parler.
Elle s’est cherché un métier, puis elle s’est découvert une passion.
Encore là… le mot passion, pas trop, trop pour la fille très terre-à-terre.
«Une passion… je ne sais pas: j’aime ça!»
Je lui pose quelques questions sur les arbres qui nous entourent, et c’est parti: elle me raconte leurs plaies et leurs histoires, intarissable, jusqu’à ce qu’elle s’arrête par elle-même, reconnaissant un excès d’enthousiasme qu’on devine fréquent. Elle connaît ces arbres du parc Clément-Jetté; elle les a vus grandir alors qu’elle travaillait comme col bleu dans l’arrondissement.
Au quotidien, entre les branches de tous les arbres, elle lit les aléas de leur croissance. Elle ne peut s’en empêcher par «déformation professionnelle», me dit-elle. Un regard critique automatique, peut-être, mais une implication émotive qui tient plus d’une «déformation passionnelle», à mon avis.
Tenez : qu’est-ce qu’elle a fait à la fête des Mères avec son fils de 5 ans l’année dernière? «Une belle petite grimpe avec mon gars!»
Toute une déformation professionnelle!
DEVENIR LA MEILLEURE
La compétition d’élagage est entrée dans sa vie en 2006, poussée par son ancien employeur, Charles Moreau, un ex-champion élagueur.
La grande sportive à la fibre compétitive attrape automatiquement la piqûre. Un objectif précis en tête après son baptême: devenir championne québécoise pour participer au Championnat du monde d’élagage qui se tenait alors à Hawaï («Hawaï, wow!»). Mission accomplie, elle s’y rend et s’y classe 9e au monde à une première participation sur la scène internationale… à 22 ans.
Depuis, les titres s’accumulent pour la jeune compétitrice. Championne nord-américaine au North American Tree Climbing Championship (NATCC) en 2011 et 2013, grimpeuse la plus rapide au monde en montée libre en 2011 et 2012, 3e au monde dans l’épreuve du sauvetage aérien en 2013…
CONTRE DES HOMMES...
Et aujourd’hui? «Je suis 3e au Québec», me dit Marilou.
Tu n’étais pas championne, lui ai-je demandé.
«Bin oui, je suis championne québécoise». Ça semble aller de soi.
«Je suis 3e contre les hommes», précise l’athlète.
Une performance admirable pour ce métier extrême, et ce sport tout aussi extrême, dominé par les hommes. C’est son meilleur classement au Québec depuis les débuts de sa carrière. Prometteur pour la suite!
Elle part aujourd’hui en Floride pour le Championnat du monde, le podium dans la mire et la confiance au sommet. Elle était 5e l’année passée. «Ça fait quelques années que je ne fais pas de points au lancer du poids. Le stress, des malchances… C’est la seule épreuve qui m’a écartée du podium dans les dernières années. Cette année, je vais y arriver!»