Le stigmate
L’apprentissage politique de Pierre Karl Péladeau se fait à la dure. La tempête soulevée par ses propos controversés tenus cette semaine lors d’un débat opposant les cinq candidats à la chefferie du PQ en est l’épisode le plus criant.
Selon PKP, confronté à l’effet combiné de l’immigration et du vieillissement de la population, le Parti québécois n’aura pas 25 ans pour faire la souveraineté. Sur le plan strictement partisan, sa seule référence à l’immigration était un véritable cadeau pour ses adversaires.
Disant prôner un PQ ouvert à la diversité, les quatre autres candidats à la chefferie s’en sont dissociés illico. Pour les libéraux, la chance d’associer le meneur de la course et le PQ lui-même à la peur de l’Autre était trop belle.
Les gros mots ont fusé. Pour Philippe Couillard, c’est une déviation claire vers le nationalisme ethnique. Gaétan Barrette y voit un relent de l’extrême droite française. Pour François Legault, c’est la preuve d’une option qui ne va nulle part.
Au-delà de cette inévitable joute partisane, la vraie question est ailleurs. D’ici l’élection de 2018, qui pâtira le plus de l’impact de cette tempête: PKP, le PQ ou les deux…
Car on aura beau décrier la démagogie grossière avec laquelle, pour mieux le discréditer, le mouvement souverainiste est dépeint depuis des lustres comme un dangereux repaire de xénophobes, le stigmate n’en est pas moins profond et durable.
Sur le plan politique, parce que le PQ est toujours soupçonné d’intolérance, la moindre déclaration, même la plus mal avisée, peut le marquer pour longtemps.
SUR LE FOND DES CHOSES
Sur le plan factuel, il y a en effet urgence pour une option en sérieuse perte de vitesse. Le diagnostic que fait PKP des causes du problème ne tient toutefois pas la route.
Depuis le dernier référendum, le problème s’est nettement complexifié. Le lent déclin du PQ et sa défaite cinglante de l’an dernier l’attestent.
La réalité brutale est la suivante. Les appuis au PQ et à son option ont fondu non seulement chez les plus jeunes, mais dans toutes les tranches d’âge. Y compris chez les francophones, toutes origines confondues.
Une division accrue du même vote francophone entre le PQ, le PLQ, la CAQ et Québec solidaire en est le produit. Tout comme ces souverainistes de plus en plus nombreux à ne plus voter. Le problème est complexe et la désaffection, réelle.
UNE ERREUR POLITIQUE
Le long silence du PQ sur sa propre option depuis 20 ans en est certes la première cause. C’est indéniable. Il paie également pour avoir négligé en même temps la francisation des nouveaux arrivants, leur intégration, la diversification de sa députation et la promotion de son option au sein même des communautés culturelles. La saga désolante de la charte des valeurs a fait le reste.
Réduire le tout à une question d’immigration et de démographie est une erreur évidente d’analyse. Pour un parti marqué profondément par le stigmate de la peur de l’Autre, c’est aussi une erreur politique majeure.
Ce qui explique pourquoi monsieur Péladeau s’est finalement excusé.