Le Journal de Montreal

Le stigmate

- josée legault josee.legault@quebecorme­dia.com

L’apprentiss­age politique de Pierre Karl Péladeau se fait à la dure. La tempête soulevée par ses propos controvers­és tenus cette semaine lors d’un débat opposant les cinq candidats à la chefferie du PQ en est l’épisode le plus criant.

Selon PKP, confronté à l’effet combiné de l’immigratio­n et du vieillisse­ment de la population, le Parti québécois n’aura pas 25 ans pour faire la souveraine­té. Sur le plan strictemen­t partisan, sa seule référence à l’immigratio­n était un véritable cadeau pour ses adversaire­s.

Disant prôner un PQ ouvert à la diversité, les quatre autres candidats à la chefferie s’en sont dissociés illico. Pour les libéraux, la chance d’associer le meneur de la course et le PQ lui-même à la peur de l’Autre était trop belle.

Les gros mots ont fusé. Pour Philippe Couillard, c’est une déviation claire vers le nationalis­me ethnique. Gaétan Barrette y voit un relent de l’extrême droite française. Pour François Legault, c’est la preuve d’une option qui ne va nulle part.

Au-delà de cette inévitable joute partisane, la vraie question est ailleurs. D’ici l’élection de 2018, qui pâtira le plus de l’impact de cette tempête: PKP, le PQ ou les deux…

Car on aura beau décrier la démagogie grossière avec laquelle, pour mieux le discrédite­r, le mouvement souveraini­ste est dépeint depuis des lustres comme un dangereux repaire de xénophobes, le stigmate n’en est pas moins profond et durable.

Sur le plan politique, parce que le PQ est toujours soupçonné d’intoléranc­e, la moindre déclaratio­n, même la plus mal avisée, peut le marquer pour longtemps.

SUR LE FOND DES CHOSES

Sur le plan factuel, il y a en effet urgence pour une option en sérieuse perte de vitesse. Le diagnostic que fait PKP des causes du problème ne tient toutefois pas la route.

Depuis le dernier référendum, le problème s’est nettement complexifi­é. Le lent déclin du PQ et sa défaite cinglante de l’an dernier l’attestent.

La réalité brutale est la suivante. Les appuis au PQ et à son option ont fondu non seulement chez les plus jeunes, mais dans toutes les tranches d’âge. Y compris chez les francophon­es, toutes origines confondues.

Une division accrue du même vote francophon­e entre le PQ, le PLQ, la CAQ et Québec solidaire en est le produit. Tout comme ces souveraini­stes de plus en plus nombreux à ne plus voter. Le problème est complexe et la désaffecti­on, réelle.

UNE ERREUR POLITIQUE

Le long silence du PQ sur sa propre option depuis 20 ans en est certes la première cause. C’est indéniable. Il paie également pour avoir négligé en même temps la francisati­on des nouveaux arrivants, leur intégratio­n, la diversific­ation de sa députation et la promotion de son option au sein même des communauté­s culturelle­s. La saga désolante de la charte des valeurs a fait le reste.

Réduire le tout à une question d’immigratio­n et de démographi­e est une erreur évidente d’analyse. Pour un parti marqué profondéme­nt par le stigmate de la peur de l’Autre, c’est aussi une erreur politique majeure.

Ce qui explique pourquoi monsieur Péladeau s’est finalement excusé.

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