Le tablier du cardinal
Il était humble. Il était effacé. Il n’élevait jamais le ton, mais les mots qu’il utilisait comptaient. Son message? Celui de l’Évangile offert à tous, malgré les égarements connus ou inconnus des uns et des autres. Il ne portait de jugement que sur les événements, mais jamais sur les personnes. Il savait que toute personne est habitée d’un grand mystère. Mystère inconnu de celui qui le vit au quotidien; mystère mal perçu par ceux qui ne jugent que sur les apparences.
Venu d’un milieu modeste, il savait comprendre l’ouvrier oublié ou mis à pied, la femme monoparentale trimant du matin au soir, le jeune désespéré de la rue, le clochard gelé dans la nuit. Il voulait une Église accueillante, fraternelle, entrant dans le XXI siècle en n’ayant pas peur de prendre les risques de nouveaux chantiers. Son visage, parfois sombre, témoignait cependant d’une espérance qu’il ne cachait pas, d’un abandon à Celui à qui il avait donné toute sa vie. Homme de prière, de bonté et de générosité, il sautait de joie de se trouver à la Maison du Père, nouant le tablier, comme Celui qui lava les pieds des siens, un certain jeudi soir, avant de s’offrir totalement pour le salut du monde.
Les prisonniers, les milieux ouvriers le connaissaient. Les gens simples de la rue le savaient à côté d’eux; les petits trouvaient asile dans son coeur. Il souffrait intérieurement de l’apathie des chrétiens, assis sur le trésor d’une unique Bonne Nouvelle, étant incapables d’en évaluer l’importance et la richesse universelle. Il faisait ce qu’il pouvait, avec ses humbles moyens. Il laissait à chacun le soin de compléter sa besogne effacée.
Il vit maintenant l’espérance qu’il a plantée dans le coeur de tout le Québec. Son phare s’est éteint. Mais des lumignons allumés à son contact continuent d’éclairer les hommes du siècle nouveau. Levain dans la pâte, il laisse une nouvelle Église germinale qui, tôt au tard, fera lever des communautés nouvelles, inspirées par ses gestes humbles posés dans l’anonymat.
Nous étions de la même lignée des premiers habitants de l’île d’Orléans (Turcotte, Turcot, Turcault). Nos ancêtres, venus de France, dorment dans l’Île en attendant la Parousie promise, le grand rassemblement dans l’Amour promis par Celui qui n’est qu’Amour.
Nestor Turcotte