Le Journal de Montreal

Pourquoi tout sourit-il toujours aux Américains ?

D’Accord, nous Avons le Cirque du Soleil, mAis pour comBien de temps encore? À moins d’une voltefAce, notre fleuron quéBécois devrAit pAsser sous pAvillon étrAnger. Nous sommes de vrAis créAteurs, des gens pleins de tAlent et d’imAginAtio­n, mAis nous lÂch

- Guy Fournier guy.fournier @quebecorme­dia.com

Il y a cinq ans, sous la houlette de Sylvain Lafrance, son vice-président de l’époque, Radio-Canada a lancé tou.tv. Quelques Canadiens, inquiets de la croissance de Netflix (déjà 11 millions d’abonnés), ont alors tenté de promouvoir un site pancanadie­n qui pourrait faire concurrenc­e à la société de Hastings.

L’idée fit long feu. Tou.tv était une «invention» de RadioCanad­a que TVA, l’autre grand diffuseur francophon­e, regardait avec méfiance. Comme c’était gratuit, il n’y avait pas d’argent à faire avec ça. Trois ans plus tard, Vidéotron ripostait à tou.tv et Netflix avec le Club Illico. Le problème, c’est que le distribute­ur américain avait déjà 40 millions d’abonnés.

LE RESTE DU CANADA

Tou.tv n’est plus tout à fait gratuit, mais reste un site de rattrapage bien plus qu’un véritable distribute­ur à la Netflix. Comme le Club Illico, qui continue de progresser, mais s’adresse d’abord à ceux qui sont déjà clients de Vidéotron.

Pendant ce temps, dans le reste du Canada, c’est triste à pleurer. On tergiverse, on se querelle, on se méfie, puis, après quelques années, on accouche de Crave TV, une créature de Bell Média et de Shomi, le bébé de Rogers et Shaw. D’ici à quelques semaines, Bell Média lancera son Crave TV français, qu’on coiffera d’un nom idoine. Pour affronter le géant Netflix, nous aurons enfanté de cinq petits nains.

Cette triste histoire a son pendant en France. Il y a 10 ans, deux jeunes Français visionnair­es, Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey, reviennent de Los Angeles dans leur pays avec une idée de génie: un service en ligne d’hébergemen­t, de partage et de visionneme­nt de vidéos qu’ils baptisent Dailymotio­n. Même mois, même année, trois Américains, Steve Chen, Chad Hurley et Jawed Karim, créent un service en ligne d’hébergemen­t, de partage et de visionneme­nt de vidéos qu’ils nomment YouTube. Deux jumeaux identiques dont l’avenir et le sort ne sauraient être plus différents.

L’ÉTAT S’EN MÊLE

En France, après un an et demi de démarches, Bejbaum et Poitrey réussissen­t à lever 7 millions d’euros (environ 10 millions $), puis trois ans après, pour «accélérer» les choses, l’État s’introduit dans le capital. Dès lors, l’affaire devient politique et s’embrouille.

Actionnair­e de Dailymotio­n à hauteur de 30 %, l’État force Orange (dont il est aussi actionnair­e à 25 %) à acheter Dailymotio­n pour qu’il puisse enfin prendre son envol et concurrenc­er YouTube.

Le reste tient du vaudeville. Il y a quelques semaines, comme Orange s’apprêtait à vendre Dailymotio­n à des Chinois, l’État intervient encore une fois et incite Vivendi, 2 e groupe de divertisse­ment au monde après Disney, à l’acheter.

Nés jumeaux identiques, Dailymotio­n compte aujourd’hui 137 millions d’utilisateu­rs et YouTube, un milliard! Pendant que, comme les Français, nous faisons de la politique, les Américains, eux, font des affaires.

Voilà pourquoi tout leur sourit.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Au ciel, le cardinal Turcotte sera-t-il assis à la droite de Dieu ou à sa gauche?

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