Le Journal de Montreal

Les braves

- Richard Martineau anime Le Québec matin de7h00à9h3­0

richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Chaque fois qu’on entend des histoires comme celle de Rémy Nolet, on se pose toujours la même question.

Aurais-je fait preuve du même courage? Aurais-je, moi aussi, donné mon gilet de sauvetage?

DÉCOUVRIR SON COURAGE

Facile de répondre par l’affirmativ­e. Après tout, nous avons tous une haute idée de nousmêmes.

Aurais-je, moi aussi, donné mon gilet de sauvetage ?

Nous sommes tous bons, beaux, généreux…

Le coeur sur la main. Prêts à tout pour sauver la veuve et l’orphelin.

Mais entre vous et moi: qu’auriez-vous fait? Qu’auraisje fait? Aurais-je eu le même réflexe? Cette semaine, on a célébré le 70e anniversai­re de la capitulati­on allemande.

Si vous aviez vécu à Paris sous l’occupation nazie, auriezvous risqué la mort pour héberger des juifs?

Auriez-vous résisté activement contre les barbares, ou auriez-vous continué à vivre comme si de rien n’était, les yeux baissés, le dos courbé, dans la résignatio­n la plus totale? Terrible question. Tous ceux qui ont fait un geste héroïque disent la même chose: «Je n’ai pas hésité deux secondes, la question ne se posait même pas, j’ai tout de suite couru à son secours…»

Souvent, ces gens ne savaient même pas qu’ils avaient ce courage en eux. Confrontés à la bravoure des autres, ils se posaient probableme­nt la même question que vous et moi aujourd’hui: «Aurais-je agi de la même façon?»

Mais quand le drame est arrivé, ils n’ont pas tergiversé, ils ont tout de suite risqué leur peau pour sauver celle d’un proche ou d’un inconnu.

Ils étaient héroïques et ne le savaient même pas.

LE VRAI COURAGE

Le mot «courage» est comme le mot «génie»: on l’utilise beaucoup trop souvent et à toutes les sauces.

Vous avez du courage d’écrire de tels textes, il a du courage de dire de telles choses… Foutaise. Le vrai courage, le seul courage, est de risquer sa peau physiqueme­nt, comme l’a fait Rémy Nolet.

«Nous vivons à une époque qui place le courage moral audessus du courage physique», a déjà dit le romancier hollandais Simon Vestdijk. Tout à fait vrai.

Faire preuve de courage, ce n’est pas de dessiner des caricature­s de Mahomet. C’est de se mettre devant la carabine d’un tueur pour sauver quelqu’un d’autre.

Pas mal plus difficile que de laisser courir un crayon sur une feuille.

Richard Contant a plongé dans les eaux froides du bassin Chambly pour sauver une fille qu’il ne connaissai­t pas.

L’auriez-vous fait? L’aurais-je fait?

On espère que oui… Mais qu’en est-il, réellement?

On ne le sait pas. Peu de gens auront la chance – ou le malheur – de connaître la réponse à cette question.

TOUT PETITS

Le 11 septembre 2001, alors que les employés qui travaillai­ent au World Trade Center dévalaient les marches quatre à quatre pour sauver leur peau, des pompiers, eux, montaient.

Vous imaginez le courage que ça prenait?

Sur le site de la tragédie, on a creusé deux grands bassins là où étaient les tours.

Deux énormes bassins sur lesquels on a inscrit le nom des victimes.

Devant ces blocs d’abîme, on se sent tout petit. Seul face à son coeur. Posant LA question, craignant la réponse.

Repose en paix, Rémy!

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