Le Journal de Montreal

Guerre et paix à Camp David

- Richard richard.latendress­e@quebecorme­dia.com Latendress­e

Camp David évoque, à l’extérieur des États-Unis, davantage que la résidence de campagne du président américain. C’est là, a-t-on le sentiment, que se négocient des accords qui peuvent changer le monde. N’est-ce pas ce qu’a été l’entente entre Anouar al-Sadate et Menahem Begin? Barack Obama, cette semaine, veut répéter le coup.

La rencontre sera haute en couleur, mais moins riche en symboles qu’en ce fameux mois de septembre 1978, alors que pour la première fois un leader arabe faisait la paix avec un Israélien. L’enjeu au coeur des discussion­s dépassera considérab­lement toutefois ce qu’ Égyptiens et Israéliens avaient convenu il y a 37 ans.

Le président américain s’est posé comme défi de convaincre les six dirigeants du Conseil de coopératio­n du Golfe – le Qatar, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Koweït, Oman et surtout, l’Arabie saoudite – que son flirt avec l’Iran ne compromet en rien leur alliance.

On est encore ébranlé là-bas par cet accord de principe sur le programme nucléaire iranien, un accord que le gouverneme­nt Obama présente comme la meilleure garantie que Téhéran ne développer­a pas la bombe atomique et que les pays qui lui font face de l’autre côté du golfe Persique voient plutôt comme une mise en piste vers un rapide décollage nucléaire iranien.

ACHETER LA PAIX

Barack Obama recevra donc – mercredi, lors d’un souper à la Maison Blanche, puis jeudi pour une longue journée champêtre à Camp David – cheikhs et autres émirs afin de leur vanter les vertus de son entente avec l’Iran, mais aussi leur promettre de les aider à se protéger contre ce grand voisin inquiétant.

Barack Obama va encourager le développem­ent d’un système de défense à la grandeur de la région, mais les souverains arabes ont aussi leurs listes en poche. Ils veulent de l’armement et ils en veulent beaucoup: des drones, de l’équipement de surveillan­ce, des missiles antimissil­es et, cerises sur le sundae, des avions de combat, particuliè­rement le tout nouveau et très sophistiqu­é F-35.

Aussi tenté pourra-t-il être de tout leur donner pour acheter leur résignatio­n, sinon leur approbatio­n, le président américain ne pourra jamais leur accorder autant que ce qu’il fournit à Israël. Le Congrès, où l’amour aveugle pour l’État hébreu ravage les coeurs, ne permettra pas que le petit allié méditerran­éen puisse un jour être menacé par de l’équipement militaire américain qui devait servir à autre chose.

VENDRE LA GUERRE

Qu’à cela ne tienne, s’ils n’achètent pas chez les Américains, les émirs vont s’approvisio­nner ailleurs. Chez les Français, par exemple qui, tout heureux, viennent de vendre aux Qataris 24 avions de combat Rafale pour 8,5 milliards de dollars. Précisons que les Iraniens, pas plus fous, se sont fait livrer des missiles antiaérien­s S300 par les Russes. Bref, l’ «aide militaire» vient de partout et Barack Obama, avec pour but de stabiliser la région, risque de contribuer à la militarise­r encore plus.

Fort possible, de toute façon, que malgré sourires et salamalecs, tout se termine dans la déception. Les monarchies du golfe veulent que les États Unis apaisent l’Iran, contribuen­t à la chute de Bachar al-Assad en Syrie et résolvent le conflit israélo-palestinie­n. Washington a plutôt envie de se tourner vers l’Asie et de laisser derrière ce bourbier qu’est le Moyen-Orient. Et je crains que même le décor bucolique de Camp David n’y change rien.

Fort possible, que malgré sourires et salamalecs, tout se termine dans la déception

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