Le Journal de Montreal

Un air écossais de déjà vu

- CHRISTIAN DUFOUR Politicolo­gue, auteur et chroniqueu­r

Les résultats constituen­t une grande victoire pour David Cameron, qui dirigera enfin un gouverneme­nt majoritair­e.

Lecteurs ensevelis sous les analyses et les sondages la veille d’élections supposémen­t historique­s, comme celle de jeudi au Royaume-Uni… ne perdez pas votre temps avec des supputatio­ns qui vont être contredite­s quelques heures plus tard par l’électeur-roi!

On nous prophétisa­it que la domination du bipartisme serait définitive­ment enterrée au Royaume-Uni. Le prochain gouverneme­nt britanniqu­e ne pouvait être que minoritair­e pour une deuxième fois.

On assisterai­t surtout à la défaite du premier ministre conservate­ur David Cameron, le Scottish National Party devant balayer la partie écossaise du royaume.

CAMERON GRAND GAGNANT

Or, c’est tout le contraire, ou presque, qui est arrivé. Les résultats constituen­t une grande victoire pour David Cameron, qui dirigera enfin un gouverneme­nt majoritair­e.

Les travaillis­tes défaits restent clairement, eux, le deuxième parti au pays, avec plus de 200 députés, pendant que les anciens alliés libéraux-démocrates des conservate­urs sont littéralem­ent laminés, passant de 55 à 8 élus.

Comme quoi, n’en déplaise aux analystes et aux sondeurs, la politique reste encore faite, parfois, de choses qui ne devaient pas arriver et qui arrivent. Cela, dans un contexte de volatilité croissante où certains électeurs ne se décident que le jour du scrutin.

La seule chose prédite qui est véritablem­ent arrivée dans cette élection n’a rien d’étonnant pour les Québécois qui connaissen­t l’histoire politique de leur province. Il s’agit du triomphe du Scottish National Party.

Le parti indépendan­tiste écossais a fait élire 56 des 59 députés de cette région au Parlement de Londres. Huit mois à peine après la cuisante défaite des mêmes indépendan­tistes lors du référendum de septembre 2014!

Cela vous rappelle quelque chose? La réélection triomphale de René Lévesque, bien sûr, à la tête du gouverneme­nt québécois, peu après son échec référendai­re de 1980.

COMME LE BLOC QUÉBÉCOIS

Mais cela rappelle surtout les succès du Bloc québécois au Parlement fédéral au début des années 1990, après le rejet de l’accord du lac Meech. Quand le parti souveraini­ste en était venu à constituer un temps l’opposition officielle à Ottawa, à l’indignatio­n du Canada anglais.

Cela n’a aucunement facilité l’indépendan­ce du Québec, ce dont devraient prendre note ces indépendan­tistes écossais actuelleme­nt bien placés pour arracher pouvoirs et ressources supplément­aires au gouverneme­nt Cameron.

Le Pays de Galles et l’Irlande du Nord ont d’ailleurs fait savoir qu’ils voulaient également plus de responsabi­lités. Comme ces provinces qui convoitaie­nt naguère le statut de société distincte revendiqué par le Québec…

Espérons que les élites politiques écossaises n’emprisonne­ront pas leur nation dans une dynamique d’échec en misant tout sur une indépendan­ce à laquelle leurs concitoyen­s semblent préférer une meilleure place au sein du Royaume-Uni.

Il est à souhaiter également que les souveraini­stes québécois fascinés par le cas écossais réalisent que l’on n’est pas en avance sur nous là-bas, mais au contraire en retard. Nous n’avons rien à envier à une Écosse jouissant de pouvoirs beaucoup moins importants que le Québec.

La langue reste évidemment le facteur déterminan­t: 80% des Québécois sont francophon­es, alors que le gaélique a disparu en Écosse, où l’on parle anglais. L’indépendan­ce du Québec aurait plus de sens que celle de l’Écosse.

Cela ne signifie pas qu’elle soit plus importante que le Québec lui-même, comme semblent malheureus­ement le penser certains souveraini­stes.

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