Le Journal de Montreal

Obama en campagne pour le libre-échange avec l’Asie

Le président Obama vient d’entamer un sprint de campagne pour l’accord de partenaria­t transpacif­ique. Ce projet de libéralisa­tion commercial­e controvers­é complique la stratégie électorale d’Hillary Clinton… et celle de Stephen Harper.

- PIERRE MARTIN Professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal et chercheur au CÉRIUM

Stephen Harper observe le tout attentivem­ent. Harper veut que le Canada demeure dans ce club sélect, mais cela ne pourra se faire qu’au prix de concession­s majeures.

Un élément-clé de l’héritage que Barack Obama veut laisser en politique étrangère est le «pivot vers l’Asie», dont l’accord de partenaria­t transpacif­ique (TPP) est un pilier. Le président mise gros sur cet accord commercial, mais plusieurs de ses alliés politiques seront plus difficiles à convaincre que ses adversaire­s.

Outre les États-Unis, le TPP engage 11 autres pays, dont le Canada, le Japon, le Mexique, le Vietnam, l’Australie et Singapour. À l’écart des négociatio­ns, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et Taïwan suivent attentivem­ent le processus et pourraient s’y joindre dans un avenir plus ou moins lointain. Les enjeux sont énormes.

Au-delà du commerce, le TPP touche de vastes domaines de réglementa­tion économique et financière. Les promoteurs vantent les bienfaits anticipés de l’ouverture des marchés, mais le projet suscite énormément de craintes. Les syndicats et plusieurs voix de gauche dénoncent les dispositio­ns qui facilitera­ient les délocalisa­tions d’emplois vers des économies à bas salaires ou qui limiteraie­nt la marge de manoeuvre économique des gouverneme­nts.

UN PROJET QUI RAVIVE DES TENSIONS

Historique­ment, les accords de libéralisa­tion commercial­e ont suscité des conflits entre les partis politiques et des divisions à l’intérieur de ceux-ci. Le commerce divise aussi souvent le président, qui perçoit l’enjeu dans une perspectiv­e globale, et le Congrès, aux prises avec les pressions d’intérêts particulie­rs.

Par exemple, l’approbatio­n de l’ALÉNA, en 1993, avait été fortement appuyée par les républicai­ns et avait causé des tensions importante­s entre le nouveau président démocrate Bill Clinton et la gauche de son parti au Congrès.

C’est ce qui semble se produire encore une fois avec le TPP. Pour poursuivre la négociatio­n, le président doit faire approuver par le Congrès son autorité de négocier un accord d’ensemble, que le Congrès devra voter sans amendement (fast track). Les républicai­ns, proches de la très grande entreprise, appuient fortement le président – ce qui est plutôt rare par les temps qui courent –, mais il faut aussi convaincre six sénateurs démocrates de voter avec eux, ce qui est loin d’être acquis.

UN ENJEU DÉLICAT

Le président Obama n’a plus besoin de se préoccuper de sa réélection, mais on ne peut pas en dire autant des législateu­rs démocrates, qui subiraient les foudres des syndicats et de la gauche s’ils appuyaient le TPP.

Hillary Clinton, virtuellem­ent assurée de l’investitur­e démocrate aux présidenti­elles de novembre 2016, a pris ses distances d’avec le président sur cet enjeu qui s’annonce radioactif dans le contexte des primaires de son parti. Il semble étrange que l’ancienne secrétaire d’État d’Obama s’éloigne de lui sur un enjeu de politique étrangère, mais elle a tout avantage à ne pas s’aliéner la gauche pour présenter un front partisan uni en 2016.

Stephen Harper observe le tout attentivem­ent. Il veut que le Canada demeure dans ce club sélect, mais cela ne pourra se faire qu’au prix de concession­s majeures. Les Américains insistent notamment pour l’abandon du système de gestion de l’offre dans l’industrie laitière. En pleine année électorale, Harper ne se plaindra donc pas si le TPP avance… mais pas trop vite.

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