Le Journal de Montreal

Dérive paranoïaqu­e

La romancière canadienne à succès Joy Fielding décrit avec talent la dérive angoissant­e et la vie cauchemard­esque d’une jeune femme violée par un inconnu dans Dis-moi que tu m’aimes, un thriller captivant, paranoïaqu­e, dans la veine du film à suspense Fen

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Son héroïne, Bailey Carpenter, menait une vie très agréable. Héritière d’une grosse fortune, jeune, belle, heureuse en amour, elle s’épanouissa­it dans sa carrière d’enquêteuse. Tout allait pour le mieux. Jusqu’au jour où un inconnu lui saute dessus, alors qu’elle se cachait dans un buisson pour espionner un suspect. L’agresseur lui murmure des paroles qui lui glacent le sang avant de se sauver: «Dis-moi que tu m’aimes.»

L’horreur commence. Bailey passe ses journées entre ses quatre murs, revoyant sans cesse le fil de son agression. Elle n’ose plus sortir et se met à observer le monde à travers des jumelles. Sa demi-soeur et sa nièce viennent s’occuper d’elle, mais rien ni personne ne réussit à calmer son anxiété. Bailey est persuadée qu’un de ses voisins, un séducteur chez qui les femmes défilent, est le coupable. Vérité ou paranoïa?

tension

Joy Fielding, avec une plume acérée, sans concession, maintient une vive tension dans ce thriller au sujet difficile. «Je voulais aborder plusieurs sujets dans ce roman, mais d’abord et avant tout, j’avais envie de raconter une histoire captivante. Je voulais écrire un page-turner, un livre que les lecteurs ne pourraient pas lâcher. Mais quand on a un message sérieux à livrer, comme on dit, une cuillerée de sucre aide à faire passer le médicament. Ces messages passent mieux quand ils sont présentés de manière divertissa­nte.»

Joy Fielding voulait remettre les pendules à l’heure. «J’ai l’impression que souvent, à la télé ou au cinéma, lorsque quelque chose de terrible arrive aux femmes, c’est un peu titillant, ce dont je ne voulais assurément pas, ou c’est un drame dont elles se remettent très rapidement. Au chapitre suivant ou au prochain épisode, elles sont prêtes pour une nouvelle aventure ou se mettent en danger encore. Je n’ai pas l’impression que c’est ce qui se passe dans la réalité.»

canevas De L’existence

Joy Fielding considère que les femmes sont très fortes, très résiliente­s, qu’elles arrivent à gérer beaucoup de choses. «Je ne pense pas que ce qui est arrivé à Bailey va définir son existence tout entière, mais je pense que ce n’est pas quelque chose dont on se remet si facilement que ça. Et qu’en fait, cet événement aura un impact sur le reste de leur vie. Il aura un effet sur chaque décision qu’elles devront prendre à partir de là. C’est quelque chose qui ne les quittera jamais et qui deviendra en quelque sorte le canevas de leur existence.»

C’est ce qu’elle voulait démontrer. «Je voulais décrire comment une femme forte, indépendan­te, se retrouve à genoux à cause de cet événement. Qu’arrive-t-il ensuite? Comment arrive-t-elle, très lentement, à reprendre le contrôle de sa vie? Ce n’est pas quelque chose qui arrive facilement. Il y aura des rechutes. Ce sera beaucoup plus difficile qu’on peut se l’imaginer.»

Joy Fielding a effectué quelques recherches sur le syndrome du stress post-traumatiqu­e, a discuté avec un psychothér­apeute et s’est fiée à son instinct pour décrire comment Bailey s’est sentie. «Je me suis demandé comment je réagirais dans une situation de terreur et de perte de contrôle comme celle que Bailey a vécue.» Chaque roman de Joy Fielding se classe en tête des meilleures ventes aux États-Unis.

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