Le RIN, un parti de défricheur
Le livre de Claude Cardinal, Une histoire du RIN, nous plonge dans une époque — les années 60 —, où le rêve de changer le monde était à l’ordre du jour. Rien à voir avec la nostalgie. Ce fut une période agitée et électrisante de notre histoire, marquée pa
Déjà, en 1961, à peine quelques mois après la naissance pourtant peu médiatisée du RIN, un sondage maison de La Presse, «qui interrogeait ses lecteurs sur différents sujets d’actualité», révélait que 45 % des répondants se déclaraient favorables à «la séparation de la province du reste du Canada». Près d’un Québécois sur deux! Alors qu’il n’y avait aucun parti politique qui préconisait cette option. Il faut dire qu’en 1964, les 18-40 ans représentaient plus de 77 % des membres du RIN.
Lorsque j’ai proposé à Pierre Bourgault, en 1982, de rassembler et publier ses principaux écrits polémiques, celui-ci avait insisté pour que je retrouve ses deux premiers textes, parus dans Le Devoir. Il ne se souvenait pas des dates exactes et j’ai dû chercher pendant plusieurs heures, sur les micros-films conservés alors au pavillon Aegidius Fauteux de la Bibliothèque nationale. Ils dataient des 7 et 22 mars 1961. En réponse à un texte de l’éditorialiste du Devoir, André Laurendeau, «Bourgault réaffirmait que le projet indépendantiste ne serait pas facile à réaliser, qu’il se ferait démocratiquement et que l’indépendance était une étape nécessaire pour doter le Québec des moyens de s’attaquer à ses problèmes.» Du grand Bourgault.
IDÉAL
Dans ce même ordre d’idées, dès 1960, André d’Allemagne et Jacques Bellemare, deux des fondateurs du RIN, clamaient la nécessité de créer une organisation politique indépendantiste épurée «de tout dogmatisme idéologique et religieux. […] Seule l’option indépendantiste devait présider à l’existence de ce mouvement». D’Allemagne, un an plus tard, précisait «qu’un idéal comme celui de l’indépendance nationale devrait être placé bien au-dessus des doctrines politiques et sociales. Un tel idéal doit être le plus grand dénominateur commun entre tous les citoyens». C’était l’époque où un livre comme Pourquoi je suis séparatiste, de Marcel Chaput, un autre fondateur du RIN, se vendit à plus de 35 000 exemplaires en quelques semaines.
Soixante-quatre ans plus tard, certains sont encore à se demander si celui qui va vraisemblablement diriger le Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, est trop à droite ou trop au centre, et à déplorer l’absence d’une gauche forte à la tête du principal parti indépendantiste.
« EN AVANT »
Pierre Falardeau ne disait-il pas que «la souveraineté n’est ni à gauche, ni à droite, mais en avant!» Ce que voulaient les fondateurs et les militants du RIN, c’était avant tout un pays, qui serait la patrie de tous les Québécois. «L’indépendance était la seule solution aux problèmes constitutionnels du Canada français, qui résultaient de la Conquête et de l’état de minorité des Canadiens français.»
Pierre Bourgault, qui personnifia le RIN pendant les huit ans de son existence, fut un orateur hors pair, un chef politique habile, qui sut naviguer dans la tourmente — et Dieu sait qu’il y en eut, des chicanes, des scissions et des revirements —, en préservant toujours le vaisseau amiral et gardant le cap sur l’objectif final. Premier parti indépendantiste de notre histoire, le RIN, quant à lui, fut une pépinière de militants, dont plusieurs se retrouveront plus tard dans différents ministères de l’Assemblée nationale. «Il s’attela à débroussailler, à essoucher, à épierrer le terrain. […] Il a été un acteur de l’élargissement des horizons culturels des Québécois», peut-on lire.
Finalement, dans l’actuel panorama politique des forces indépendantistes québécoises, l’exemple du RIN qui se dissout pour entrer au Parti québécois devrait inspirer tous ceux qui refusent pour l’instant de faire l’unité des forces.
Cela vaut également, il me semble, pour les candidats qui prétendent à la direction de ce parti.