Le Journal de Montreal

Bonheur étincelant et argent sale

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

C’est une histoire abracadabr­ante, le genre de truc qu’un réalisateu­r n’oserait même pas mettre dans un film, de peur que les spectateur­s disent: «Woah, capitaine, ton histoire ne tient pas debout deux secondes!»

Pourtant, c’est vrai.

MORDRE À L’HAMEÇON

Deux arnaqueurs vivant à Montréal envoyaient des courriels à la volée, annonçant qu’ils venaient de mettre la main sur un héritage important et qu’ils étaient prêts à vous en donner une partie si vous pouviez les aider.

Quand un poisson mordait à l’hameçon («There’s a sucker On ne sait pas si on doit rire ou pleurer devant une telle histoire. born every minute», disait le propriétai­re du cirque Barnum & Bailey), les bandits lui donnaient rendez-vous dans un hôtel du centre-ville.

«Tenez, voici l’argent», lui disait-on, en lui montrant une mallette bourrée de fric.

Le hic, c’est que les billets étaient tachés d’encre noire. «On ne peut pas déposer ces billets dans cet état, la banque ne les accepterai­t pas, il faut les nettoyer, expliquait-on. Or, le produit spécial qui sert à nettoyer ces billets n’est disponible qu’en Bolivie.

«On est prêts à vous payer un voyage aller-retour pour l’Amérique du Sud. On va vous donner une adresse, vous irez chercher le produit et vous le rapportere­z. Quand vous serez de retour à Montréal, on lavera les billets et on vous en donnera une partie pour vous remercier. Vous acceptez?»

LA SOLITUDE ET LE DÉSARROI

Croyez-le ou non, mais plusieurs personnes ont accepté cette offre farfelue!

Elles se sont rendues en Bolivie, où elles se sont fait remettre un colis spécial rempli de… coke!

Onze individus qui ont servi de «mules» à leur insu se sont fait intercepte­r à la douane et ont été incarcérés.

Quant aux deux «cerveaux» de l’opération, ils viennent d’être condamnés à passer les 14 prochaines années derrière les barreaux.

La plupart des victimes de cette arnaque rocamboles­que étaient des personnes âgées. Elles étaient seules, vulnérable­s, n’avaient jamais voyagé et se trouvaient hyper-chanceuses d’avoir été choisies pour accomplir cette mission qui leur permettrai­t de voir du pays et de faire un coup d’argent… On ne sait pas si on doit rire ou pleurer devant une telle histoire.

C’est loufoque à souhait, mais ça sent la détresse à plein nez.

L’ÂGE DES TÉNÈBRES

C’est comme ces sexagénair­es esseulés qui se marient avec de superbes poupées russes trouvées dans des catalogues ou ces célibatair­es rondelette­s qui acceptent d’épouser des playboys exotiques qu’elles ont rencontrés dans des Clubs Med.

Ces gens naïfs sont sûrs d’avoir enfin trouvé l’amour…

Or, le lendemain du mariage, arrive ce qui devait arriver: la Barbie slave t’annonce que son «cousin germain» bâti comme une armoire à glace est en fait son fiancé et le prince à la peau d’ébène prend sa nouvelle citoyennet­é et va danser la lambada ailleurs.

On dit que nous vivons à une époque cynique. Or, chaque jour, des jeunes partent pour la Syrie afin de vivre la grande aventure dans les rangs de l’État islamique.

On a soif d’amour, de bonheur, de foi.

Et nous sommes prêts à mordre au premier hameçon qui se présente pour sortir de cet étang glauque où nous tournons en rond…

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