Le Journal de Montreal

3 CERVEAUX VALENT mieux qu’un !

Le cerveau n’est pas le seul responsabl­e des processus nerveux impliqués dans le contrôle de nos pensées, de nos émotions et de nos mouvements. Selon de fascinante­s études récentes, l’intestin et la moelle épinière contiennen­t eux aussi des agencement­s c

- Yano JM et coll. Indigenous bacteria from the gut microbiota regulate host serotonin biosynthes­is. Cell 2015;161:264-76. Bourane S et coll. Identifica­tion of a spinal circuit for light touch and fine motor control. Cell 2015; 160:503-15.

L’intestin possède un système nerveux indépendan­t, capable de contrôler les sécrétions et les mouvements nécessaire­s à la progressio­n des aliments tout le long du système digestif. La taille de ce «deuxième cerveau» est loin d’être négligeabl­e: 200 millions de neurones, soit autant que le cerveau d’un chien!

En plus de régler précisémen­t le processus de digestion, ces neurones entériques sont constammen­t en contact avec le cerveau principal.

Chacun de nous sait très bien à quel point on peut ressentir une émotion «au plus profond de ses entrailles», par exemple la fameuse «peur au ventre» associée à un événement stressant. Ce qu’on sait moins, par contre, c’est que cette communicat­ion fonctionne aussi à l’inverse et que ce qui se déroule au niveau de l’intestin peut influencer la fonction du cerveau principal. Lors d’une indigestio­n, par exemple, le système nerveux digestif informe le cerveau qu’un événement désagréabl­e s’est produit et celui-ci conserve précieusem­ent le souvenir des odeurs, du goût et des sensations physiques provoqués par cet épisode. Cette mémoire est tellement efficace que le simple fait de voir une image ou de sentir une odeur qui rappelle cet aliment suffit très souvent à reproduire la sensation désagréabl­e qu’il avait précédemme­nt provoquée (haut-lecoeur ou douleur abdominale, par exemple).

Des observatio­ns fascinante­s indiquent que cette communicat­ion entre l’intestin et le cerveau impliquera­it aussi la sérotonine, un neurotrans­metteur essentiel à la gestion des émotions. Environ 90 % de toute la sérotonine du corps est fabriquée au niveau de l’intestin et des scientifiq­ues ont récemment montré que cette production était une conséquenc­e de l’intense activité métaboliqu­e générée par les milliards de bactéries qui se trouvent dans l’intestin1.

Comme le rôle de la sérotonine dans le contrôle des humeurs est bien établi, cette observatio­n montre encore une fois à quel point ces deux cerveaux coopèrent pour maintenir l’équilibre de l’organisme, tant sur le plan physique que psychique. Comme quoi les anciens taoïstes n’avaient pas tort d’affirmer qu’il doit exister une harmonie entre la tête (la raison) et le ventre (les émotions)…

Minicervea­u de l’équilibre

Des observatio­ns récentes permettent aussi de penser à l’existence d’un autre cerveau, celui-là impliqué dans le contrôle de l’équilibre2. Quand nous marchons, des capteurs situés sous la plante des pieds détectent le mouvement et les changement­s subtils de pression, et envoient des signaux à la moelle épinière, puis au cerveau pour l’informer de ce qui se passe. Le cerveau utilise alors cette informatio­n pour faire bouger correcteme­nt les membres de façon à maintenir l’équilibre et à éviter une chute. On peut d’ailleurs assister en temps réel à l’établissem­ent de ces circuits nerveux lorsqu’un enfant apprend à marcher.

Selon les travaux réalisés par une équipe de savants californie­ns, cette adaptation est rendue possible par l’existence d’un groupe de neurones spécialisé­s localisés dans la moelle épinière. Ce «minicervea­u» intègre l’ensemble des informatio­ns provenant à la fois du cerveau et des capteurs sensitifs des pieds pour coordonner précisémen­t la position des membres, une fonction particuliè­rement importante pour l’habileté motrice fine, par exemple lorsqu’on doit se déplacer sur une surface glissante. Combiné au système vestibulai­re contenu dans l’oreille interne, à la vision et aux capteurs situés sur les muscles, tendons et articulati­ons, ce minicervea­u permet donc une régulation fine du maintien de l’équilibre.

Ces observatio­ns illustrent à quel point le système nerveux est capital pour l’interactio­n du corps humain avec le monde extérieur. Compte tenu de la somme astronomiq­ue d’événements auxquels nous sommes quotidienn­ement exposés et de l’importance de s’adapter rapidement à ces changement­s, il faut bien admettre que trois cerveaux ne sont pas de trop!

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